Repéré au Festival d’Annecy et primé au festival d’animation de Bucheon (Corée du sud) en 2019, Mon ninja et moi propose une version moins consensuelle et plus politique du film d’animation. Une bonne surprise !
À la base, tout semble normal. Une animation 3D, plus efficace et classique que véritablement esthétique. Un scénario qui met en scène Alex, un enfant de 5e, pas vraiment à l’aise dans sa vie entre un amour à sens unique pour une fille de 4e et une vie de souffre-douleur face au caïd du collège. Et à la maison, c’est guère mieux ! Vu comme ça, Mon Ninja et moi semble parti pour être une énième version du gamin en devenir qui va réussir le temps du film à se trouver.
Dans l’absolu, c’est un peu ça…Le fait qu’il soit aidé par une poupée ninja qui a mystérieusement pris vie pouvait déjà nous mettre sur la voie : cette quête initiatique allait être plus pimentée que prévue. Mais surtout, ce serait vite oublié que Mon ninja et moi, réalisé par Thorbjørn Christoffersen et Anders Matthesen, nous vient du Danemark, un pays qui se fout comme de sa première chemise de bucheron d’être consensuel.
La première scène nous met tout de suite au parfum. Derrière une affiche publicitaire décrivant une Thaïlande rêvée, nous décrivons la réalité : une usine délabrée où des enfants travaillent sur des machines à coudre à confectionner des petites poupées ninja. Un film qui montre le travail des enfants, puis qui n’hésite pas à en faire mourir un, sous les coups de bâtons de l’employeur…on ne voit pas ça chez Disney !
Il y a bien les habituels rebondissements de l’intrigue, l’action enlevée et l’humour des situations – condition sine qua none à la réussite d’une telle entreprise. Mais Mon ninja et moi donne un sens plus politique à son récit. Ici, le « méchant » ne sera pas un monstre ou un être maléfique mais juste un entrepreneur danois bon teint qui, à l’autre bout de la chaîne, exploite les enfants dans un pays en voie de développement. De là à prendre conscience des errements de la mondialisation sauvage, il n’y a qu’un pas. Et de se dire que l’on peut agir contre (peut-être le message le plus central du film).
Mais ce n’est pas tout… Le film n’a pas peur de mettre à mal le « politiquement correct », notamment en utilisant l’oncle Stuart : alcoolique, grivois, drogué, le personnage sert de tête de bélier pour défoncer les portes de la bienséance et du bon goût – ce qui est plutôt réjouissant. Plus généralement et sans édulcorant, Mon ninja et moi n’a pas peur d’aborder certains rivages sombres de l’âme humaine, cupidité, violence sourde et soif de vengeance comprises.
Que les parents se rassurent, tout se terminera bien dans une moralité préservée, mais non sans un léger trouble. Et finalement de comprendre que Mon ninja et moi n’est pas un film de super-héros mais plutôt, un film sur la naissance d’un d’entre eux. Un super héros du quotidien qui n’aura pas besoin d’avoir des pouvoirs fantastiques pour agir.