Pourquoi Mon Roi est-il raté ?
Ce film a été très bien reçu à la fois du grand public et de l'académie puisqu'il a fait l'objet de 8 nominations aux césars. Pourtant, quelle déception !
Depuis le début de sa carrière en tant que réalisatrice, Maïwenn nous proposait une intéressante progression en partant de Pardonnez-moi, son film le plus personnel, en passant par Le Bal des actrices, film dans lequel elle tente tant bien que mal de se détacher d'elle même mais qui finalement prouve à lui même qu'elle est encore le sujet principale de l'oeuvre, pour arriver finalement à Polisse, son dernier film avant Mon Roi, dans lequel elle parvenait enfin à s'effacer et nous toucher avec une histoire aussi bien universelle, qu'inspirée de son propre vécu. Malgré son narcissisme évident qu'on lui reproche le plus souvent, parler d'elle même restait ce que Maïwenn faisait de mieux. Dans Mon Roi, elle disparaît pour la première fois de l'écran, n'interprétant aucun personnage du film. Une nouveauté pour la réalisatrice qui avait toujours intégré le processus de création du film dans le film en lui même, comme on peut le voir dans ses trois autres films dans lesquels elle incarne à chaque fois un personnage derrière une caméra : mise en abîme de la réalisation.
Mon Roi s'apparente alors comme la promesse d'un nouveau départ pour Maïwenn : un cinéma dans lequel elle ne se sent plus le besoin d'être le protagoniste principal. ENFIN un film dans lequel Maïwenn va nous proposer une histoire pour cette histoire et non pour elle même, ce qui ne peut que nous rendre curieux et impatients de découvrir le résultat... : ECHEC.
Où est passé le cinéma-vérité de Maïwenn ? Certes ses autres films pouvaient souffrir d'être "brouillons" en un sens (technique peu mise en avant, dimension de film rafistolé...) mais cela fonctionnait car ils avaient le mérite de respirer d'un élan de VERITE, et l'on comprenait que la technique et la surface du film n'était pas le propos. La première chose dont Mon Roi manque est justement de vérité. Impossible de croire à cette histoire d'amour qui n'en est tout simplement pas une.
C'est l'histoire douloureuse d'une relation entre un homme manipulateur et une femme victime de sa dépendance et de sa fascination pour lui. Sujet très intéressant et le film sait parfois questionner et émouvoir. Pour autant, il se plante dès le début. On ne peut pas être bouleversé par les crises de manipulation que fait subir Vincent Cassel à Emmanuelle Bercot car on ne ressent aucune fascination et aucun désir pour lui, pour la simple et bonne raison que sa "connartitude" est évidente dès la première rencontre. Un bon manipulateur aurait été un personnage de cinéma très intéressant à condition de savoir se faire inconditionnellement aimé par son spectateur. Or ici, c'est tout ce dont manque le personnage de Cassel pour que le film tienne la route. Comment être torturé par quelqu'un qui ne nous séduit pas ? Au contraire, le personnage est un stéréotype de la Jet Set et ne transpire aucune vérité. Quel dommage de découvrir alors uniquement lors de la dernière scène ce que l'on aurait souhaiter éprouver pour lui durant tout le film : un sentiment de fascination et d'emprise que Maïwenn parvient enfin à exprimer... mais trop tard.
Du coup, ce qui fait défaut au personnage masculin enfonce d'avantage la crédibilité du personnage féminin. En effet, nous ne comprenons pas ce qui lie les deux personnages d'un amour si fort pour que elle accepte de subir autant de maltraitance. Que lui apporte-t-il ? Dans quel besoin affectif nageait-elle avant leur rencontre et pendant leur relation pour qu'elle en arrive à se soumettre à ce point ? Leur complicité n'est pas suffisante à faire croire à une grande histoire d'amour. Superficialité et témoignage bidon de leurs sentiments au travers de petits rires et de moments de tendresses... mais qui restent tout de fois d'une banalité sans nom. Pas étonnant que beaucoup de gens aient pu apprécier le film pour y avoir reconnu certaines situations familières... Mais cela est bien loin d'être suffisant pour parler d'une chose aussi complexe que la manipulation amoureuse.
Conclusion, Vincent Cassel est en effet bien " le roi des connards " mais ne sait pas pourquoi Emmanuelle Bercot se satisfait de cela et vénère l'amour qu'il lui porte à sa façon, si on peut appeler cela de l'amour. Elle apparait alors tout simplement comme une victime lisse et sans profondeur.
Ce qui sauve le film ? La qualité du jeu des acteurs, qui malgré la pauvreté de profondeur dans l'écriture de leur personnage parviennent à nous toucher et témoignent d'un réel échange à l'écran.
Respire de Mélanie Laurent illustre bien mieux la complexité d'une relation toxique faite de manipulation et de soumission.