Moneyboys s’empare du sujet de la prostitution masculine en Chine, pays où ne serait-ce qu’évoquer l’homosexualité est en soit déjà transgressif. Il y est donc question d’interdits, de sentiments refoulés, de fuite, de honte aussi. Et de solitude, beaucoup.
Le récit se construit par et autour de personnages forts et cherche à nous éclairer sur ce qui les a conduits à adopter ce mode de vie, la plupart du temps malgré eux. Ces garçons doivent composer avec le paradoxe d’avoir à se prostituer pour subvenir aux besoins de familles qui rejettent ce qu’ils sont. Ecrasés par le poids familial et culturel, ils cherchent vainement à s’émanciper dans un monde hostile où il vaut mieux se garder d’éprouver des sentiments.
Car Moneyboys est aussi parcouru par un élan romanesque, traversé par une histoire d’amour tragique, un triangle amoureux maudit. Cette angle fictionnel, émouvant et touchant et brillamment interprété, permet au réalisateur C.C. Yi d’éviter un propos trop cru, trop documentaire et de se dépouiller de tout voyeurisme.
Sa mise en scène est d’une grande élégance, tout en pudeur, souvent lumineuse et colorée malgré la violence et la mélancolie qui innerve son histoire. Il saisit toute la beauté d’une Chine en transition, partagée entre modernité et traditions, grâce à des plans séquences splendides et des tableaux élégamment construits. Pour un premier film, le cinéaste fait preuve d’un style affirmé et raffiné. Tout en ayant quelque chose à dire. Un auteur et réalisateur à suivre, définitivement.