Avis de bohème

Pour raconter l'essentiel de la vie de Charles Aznavour sous toutes ses coutures, il aurait bien fallu une dizaine d'heures, sur le format d'une série. Cela viendra sans doute mais en attendant il faut se contenter d'une version wikipediesque qui n'oublie presque rien du point de vue factuel mais peine à imposer un point de vue, à part celui de l'homme enragé pour réussir. Tout y passe pourtant : les racines arméniennes, le physique ingrat, la voix voilée, la môme Piaf, les femmes, les vaches maigres et enfin le succès jusqu'à l'international et les chansons légendaires. On peut presque fermer les yeux devant ce biopic, d'une linéarité parfaite, mais pas se boucher les oreilles car les compositions d'Aznavour restent phénoménales. Reconnaissons cependant que le film a raison de privilégier les débuts difficiles en avis de bohème et à limiter ses dernières années en quelques vignettes. Monsieur Aznavour évite consciencieusement l'hagiographie, en faisant de son héros un individu surtout intéressé par sa propre réussite, mais compense par l'éloge de sa créativité, pour un portrait qui manque avant tout de profondeur, sacrifiée sur l'autel de l'éclat de la revanche sur des origines modestes et des handicaps physiques. Le film est sauvé en grande partie par la prestation,à certains moments sidérante de Tahar Rahim. Mais globalement, Monsieur Aznavour prouve une fois de plus qu'un biopic ne vaudra jamais une bonne biographie, qui permet nuances et densité (sans la musique, d'accord).