AZNAVOUR SOUS UN VISAGE INATTENDU ?

Charles Aznavour fait partie de ces personnalités publiques qui, ont toujours été là, comme des monuments historiques bâtis il y a de ça des siècles, sa présence suffit à expliquer le mythe, la légende. En effet, j’avais moins de 20 ans et je ne pouvais pas connaître, mais je faisais comme si. Charles Aznavour est pour moi indissociable de mon grand-père, comme Barry White l’est à ma grand-mère.
Animé par une certaine pensée que j’ai envers les miens et l’envie d’en apprendre plus sur ce personnage tant familier qu’étranger, je me devais d’aller voir Monsieur Aznavour…

Primo, comme pour tous films historiques ou biopic où je n’ai pas une assez grande légitimité pour parler, je ne m’amuserai pas porter un regard trop critique sur le respect exact des faits, des temporalités… Nous n’y étions pas, bien sûr que certains passages sont romancés, mais à l’instar de tous les films du genre c’est un artifice obligatoire pour se différencier du documentaire.

Tahar Rahim incroyablement bon dans son interprétation d’un Charles Aznavour qui m’étais inconnu. Après après avoir regardé quelques archives, on sent qu’il y a eu un énorme boulot millimétré d’appropriation des mouvements effectué par l’acteur pour coller à la gestuelle du chanteur. Notamment la scène de l’interprétation de Comme ils disent, avec la main autour du cou et le bras sous le coude. Dans leurs interprétations respectives, Bastien Bouillon (dans la continuité de sa belle prestation dans le Comte de Monte-Cristo) et surtout Marie-Julie Baup sont des réincarnations de Pierre Roche et Edith Piaf. Mention spéciale à Camille Moutawakil qui interprète avec beaucoup de naturel et de manière touchante Aïda la soeur de Charles Aznavour.

J’ai été agréablement surpris que le film ne prenne pas le parti de lécher les bottes d’un mythe de la chanson française comme on aurait pu s’y attendre, mais essaye plutôt de montrer aux yeux du grand public ses nombreuses failles, son obsession pour la quête de reconnaissance, de succès, d’argent. Tout ça est assez bien mis en relief avec la représentation de sa jeunesse, la pauvreté dans laquelle lui et sa famille vivaient, les périodes d’occupation troublante pour un jeune arménien ayant subi de nombreuses humiliations, de ses fréquentations communistes… Sa gestion de la réussite et son rapport avec les femmes sont aussi décrites de manière critique, comme un véritable malade de travail, prêt à mettre sa vie familiale au second plan, lui coutant de nombreuses peines et quelques divorces… Je ne suis pas sûr que tout le monde avait cette image là en tête. Ce n’est donc pas un Charles Aznavour auréolé que l’on nous dépeint, et ce n’est franchement pas désagréable, je préfère cette recherche d’honnêteté à juste vouloir faire ce à quoi tout le monde s’attend.

Si je devais émettre seulement une remarques négative, ça serait concernant la première partie du film qui tire peut être un peu en longueur comparé à la seconde. 30 minutes de trop de « Charles Aznavour se fait bully par la vie et se voit fermer les portes du succès, mais bon Edith Piaf et son super copain Pierre Roche sont là donc ça va il est bien entouré » (attention, ne pas prononcer cette dernière de manière agrie).

Enfin bref, Monsieur Aznavour est un bon biopic du genre. Je ne doute pas que les fans de Charles Aznavour de la première heure seront ravis avec toutes les références, les personnes ayant marqué sa vie, les chansons qui arrivent à point nommé… Personnellement j’ai trouvé l’oeuvre très intéressante et dépeint un personnage que je ne soupçonnais pas du tout. Merci d’avoir été fidèle au choix de l’authenticité.