Difficile d'imaginer relecture plus différente du roman de Simenon ("Les fiançailles de Monsieur Hire") que celle de Patrice Leconte, un demi-siècle après l'adaptation de Julien Duvivier ("Panique") : certes, la trame reste vaguement identique, mais les deux films n'ont que très peu de choses en commun.
On découvre dans "Monsieur Hire" un Patrice Leconte formaliste, auteur d'une mise en scène particulièrement soignée, entre jeux sur les lumières, science du cadrage et utilisation pertinente de la musique (Brahms revisité par Michael Nyman) : il en résulte quelques scènes remarquables (la patinoire embrumée) et plusieurs plans saisissants (le visage soudainement éclairé de Hire à sa fenêtre durant l'orage).
Leconte peut s'appuyer sur le talent de ses deux interprètes principaux : Michel Blanc est impressionnant dans l'un de ses premiers rôles dramatiques, dans la peau de ce petit homme qui vit en marge de ses semblables, tandis que Sandrine Bonnaire incarne avec talent une jeune femme amoureuse au comportement ambigu, qui prend visiblement du plaisir dans cette forme d'exhibitionnisme.
Avec "Monsieur Hire", qui fait suite à "Tandem" et précède "Le mari de la coiffeuse", Patrice Leconte surprenait son auditoire en quittant pour la première fois les rives de la comédie, et entamait une phase fructueuse de sa carrière, qui lui offrirait une certaine reconnaissance critique.
A titre personnel, je préfère la version de Duvivier, mais il faut reconnaître la capacité de Leconte à installer une atmosphère singulière et intemporelle, saturée de références (Hitchcock, Polanski…), à la fois romantique et malsaine, qui renouvelle cette histoire de sacrifice tout en collant finalement assez bien à l'esprit de Simenon.