Monsieur Klein
Un film de Joseph Losey
Au-delà de ses rôles de flic qui pour moi sont venus gâcher la fin de sa carrière artistique et certainement remplir son compte en banque^^, Alain Delon a avant tout mené une carrière exemplaire il faut l'avouer, tournant avec les plus grands réalisateurs français comme : (Melville, Verneuil, Clément, Godard) et étrangers (Antonioni, Visconti). Joseph Losey justement est de ceux là, il offre deux rôles marquants à Delon, le premier dans l'Assassinat de Trotski, film que je vous conseille et surtout celui-ci: Monsieur Klein , où Delon incarne une figure qui lui est familière : celle d'un homme luttant seul contre les autres, rôle qu'il a déjà exploré notamment dans le Samouraï de J-P Melville.
Alain Delon joue le rôle de Robert Klein, riche marchand d'art qui en cette année 1942 accroît encore sa richesse en rachetant des œuvres détenues par les juifs. Lorsque Klein découvre qu'il a un homonyme juif dont il reçoit le courrier, son premier réflexe est de contacter les affaires juives. Cette démarche a le double effet de mettre en branle la machine infernale qu'est Vichy et de pousser Klein à essayer de percer coûte que coûte l'identité de son homonyme. Avec cette démarche Klein/Delon va reléguer petit à petit sa vie au second plan, au point de mettre sa propre existence en danger.
Tourné en 1975/1976, ce film représente le Paris de l'occupation comme il n'a été que rarement dépeint par le cinéma français à l'époque, alors qu'aujourd'hui on regorge de ces films, ça me fait penser à une série : Un Village Français, une série télévisée française créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé bref, série à voir si vous ne connaissez pas...Qui représente à merveille la France sous l'occupation.
Revenons à toi Mr Klein, Delon joue là un très grand rôle, celui d'un homme qui garde bonne conscience du drame qui se passe malgré l'occupation, et il le joue à merveille ce rôle, avec cette prestance qu'il a bien à lui et cette façon d'entrer dans la peau de son personnage comme il entrerait tout bonnement chez lui, avec une facilité et un gestuelle propre à lui, il m'a toujours fasciné par sa force de jeu et son habileté à incarner un rôle.
Le scénario démarre fort et dès la première scène le ton est donné, une femme nue se fait ausculter par un médecin à l'hôpital qui est supposé ne pas faire partie du degré de judéité de son patient de par ses attributs physiques (nez, front, hanches, cheveux etc.).perso j'ai toujours trouvé ça d'une débilité bref..
Traitant son patient comme l'on traiterait un cheval, cette scène ferait plutôt rire aujourd'hui si ce n'est que cette scène est une reconstitution fidèle d'une scène de vie quotidienne sous le régime de Vichy.
Losey jalonne son œuvre de ces petits moments qui rappellent au spectateur l'ignominie de ce régime
A travers la conduite d'une pseudo-enquête, Losey livre une réflexion passionnante sur ce qui définit l'identité de chacun quand tout se réduit à un nom interchangeable, c'est cette déshumanisation qui logiquement conduit à la scène finale en retraçant la rafle du "Vel d'Hiv".
Dans ce contexte, Delon pris d'une soudaine crise de lucidité, pousse cette logique au fond et rien ne lui importe plus que de trouver la réponse à ses questions, ''même si la déportation doit être au bout du chemin''
Delon court tout le long du film après des fantômes (la scène du château où Delon pénètre dans un univers hors du temps rappelle le Bal des Vampires de Roman Polanski), des cadavres marchant derrière leurs ombres, impression encore renforcée par la rafle finale.
Néanmoins, même si le film montre une passionnante réflexion autour des deux thèmes que sont la recherche de l'identité et la description minutieuse de l'administration de Vichy, le thème de M. Klein, c’est l’indifférence, ''l’inhumanité de l’homme envers l’homme''. Plus précisément, le film traite de l’inhumanité de la population française à l’égard de certains de ses représentants.
Ce n’est pas un film sur les méchants gangsters, comme Delon en a l'habitude, mais un film qui montre ce que des gens très ordinaires, tels que nous pouvons en rencontrer autour de nous, sont capables de faire subir à d’autres gens ordinaires…ça m'a fait froid dans le dos.
Monsieur Klein montre les revers de l’extrémisme dans une France franchement pas glorieuse. Aucune présence d’allemands ici bas, Losey touche donc là où ça fait mal en montrant bien que nous autres français avons été trop loin dans la persécution du peuple juif.
Car être juif à cette époque était bel et bien une honte. Monsieur Klein cherche d’ailleurs au début du film à tout faire pour prouver que c’est un ''bon français'' et qu’il n’a rien à voir avec cette communauté.
Losey réussit à nous faire tomber avec son personnage principal dans une atmosphère pleine d’insécurité, de doute. On envisage alors de multiples possibilités, piste d’interprétation. Robert Klein a-t-il vraiment un homonyme ? Est-il schizo ? Est-il vraiment juif ?
Le film semble trancher le portrait d’un homme qui, finalement conscient de l’absurdité de son Pays, décide qu’il n’a plus rien à perdre.
Et lors d’une scène follement virtuose au Vel d’hiv, Klein se perd dans la foule à la recherche de ce dernier, prenant le risque de se retrouver lui-même (sans raison valable) propulsé dans un camp de concentration.
Un thriller au suspens glacé, avec un Delon qui joue son rôle admirablement comme dans beaucoup de ses films, la mise en scène est également somptueuse et la distribution est géniale, avec de très bons acteurs comme : Michael londasle, Jean Bouise, Jeanne Moreau, la concierge Suzanne Flon.
Je ne vous en dirai pas plus sous peine de trop spoiler, mais ce film est une merveille, brillamment joué par un Delon qui m'a absorbé tout le long du film, j'en ai pas lâché une miette.Bref, que du brillant chez ce Losey, et même un Delon qui trouve là, l'un de ses plus beaux rôles.
Ce film m'a été conseillé par un(e) de mes éclaireurs que je remercie d'ailleurs au passage:)
Je l'avais vu étant plus jeune mais c'est un régal de l'avoir à nouveau revisionné.
JJ