L'intrigue de Monsieur Klein n'est peut-être qu'une parenthèse.
Par cette chasse à l'homme labyrinthique, Joseph Losey livre un bijou de mise en scène, d'une grand modernité, (quoique souffrant par moments de sa lenteur austère), qui passionne par sa complexe ambiguïté et sa vision d'une France schizophrénique, où la délation rythme le quotidien et où l'ennemi n'est pas le nazi mais le voisin et le policier.
Monsieur Klein est un film d'une grande violence, rongé jusqu'à l'os par la mort.
Alain Delon y est probablement à son meilleur, donnant son visage à celui d'un pays bipolaire et agressif, autant aveuglé par son propre déni (terrible scène quasi finale du bus) que par son cruel cynisme (le bonheur absurde d'une scène lourde de sens avec un chien).
Mais c'est donc finalement une parenthèse, puisque Losey traite l'Histoire par l'anecdote et laisse, par son ouverture atroce et sa conclusion ironique quasi insoutenable, enfin place à l'Horreur du réel, pour mieux invoquer des fantômes et boucler sa boucle.
Le spectateur en est violenté, se prenant lui-même au jeu presque pervers d'une enquête qui n'est pas le sujet, tournant lui aussi les yeux, plutôt que de les ouvrir sur la toile qui lui sert de fond.
"Dans ce pays nous sommes trop civilisés, trop polis. Et trop fichés."