César du meilleur film 1977, Monsieur Klein fut pourtant un échec commercial à sa sortie puisqu'il fit à peine 700 000 entrées, pour un budget de plus de 20 millions de francs. Alain Delon, par ailleurs producteur du film, a perdu une partie de sa fortune dans ce projet. Ironiquement, le film de Joseph Losey est pourtant excellent.
A mi-chemin entre un roman de Kafka et une nouvelle de Kressmann Taylor, le film raconte comment un homme est soudainement considéré comme Juif aux yeux des autorités françaises à la veille de la rafle du Vél d'Hiv, le 16 juillet 1942. Malgré ou à cause de son indifférence à la question juive, le marchand d'art qu'est Robert Klein se trouve pris dans un engrenage diabolique et absurde, symbole de l'aspect totalitaire et implacable de l'administration de l'époque.
La fin du film qui justifie, a posteriori, la machination dont est victime Mr Klein, rappelle la devise cynique du camp de concentration de Buchenwald, Jedem das Seine (à chacun son dû). On imagine évidemment que l'auteur de cette machination ne souhaitait par nécessairement ce sort à Mr Klein, ce dernier aurait d'ailleurs pu s'en sortir s'il avait admis l'absurdité de cette situation sans vouloir à tout prix connaître le fin mot de l'histoire. Et c'est justement parce qu'il va combattre cette injustice de toute ses forces, cherchant une vérité illusoire et sans intérêt, qu'il ne pourra échapper à sa perte. D'abord trop indifférent à la question juive, puis ensuite trop sensible à son propre sort, il va payer à la fois son excès d'égocentrisme et son absence totale de solidarité.
Au-delà de l'invraisemblance historique relevée par wikipédia, Mr Klein est un film ambitieux et intelligent. Il est dommage qu'il n'ait pas rencontré un plus large public, il aurait sans doute permis à Alain Delon de sortir des rôles caricaturaux dans lesquels il a fini par s'enfermer. A chacun son dû ?
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