Souvent comparé à Boyhood de Richard Linklater, Moonlight déploie l'identité de Chiron, gamin sensible des ghettos de Miami, à plusieurs moments cruciaux de sa vie : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Trois actes, trois acteurs endossant un même rôle (Alex Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes, remarquablement dirigés) pour une fresque poignante, dont la modernité fera date dans le cinéma indépendant afro-américain.
En effet, outre le casting so black comme contre-pied d'Hollywood, Barry Jenkins fait preuve d'une audace admirable en brisant le tabou on ne peut plus délicat de l’homosexualité dans les milieux défavorisés, au travers un scénario que l'on pourrait compter parmi les plus justes jamais écrits sur le thème de la quête identitaire, à tel point que quinze années de psychanalyse ne suffiraient même pas pour atteindre le niveau de lucidité et d'acuité dont témoigne le cinéaste. D'un esthétisme frôlant le sublime à chaque image, la mise en scène immortalise avec brio le trouble éprouvé par le personnage. Elle capte ses égarements, sa difficulté à s'intégrer dans un milieu hyper masculinisé, son incapacité à s’assumer, délivrant là un flot d'émotions retenues jusqu'à une demi-heure finale bouleversante, où des visages magnifiques filmés en gros plans nous arrachent des larmes.
Et pour sublimer le tout, au début du film, une apparition : Mahershala Ali, éblouissant de charisme en père de substitution qui vient en aide au jeune Chiron, alors rejeté par sa propre famille... Au final, le seul reproche qu'on puisse faire à Moonlight est sa brièveté, frustrante par rapport à la complexité d'un personnage qu'on aurait bien volontiers suivi durant une ou deux heures supplémentaires. Il en ressort tout de même un mélodrame rayonnant et majeur, apparaissant comme un message d'espoir nécessaire dans l'Amérique contemporaine.
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