Très mal distribué, Moonlight est pourtant l'un des grands films de ce début d'année. Il conte la vie de Chiron, un gamin défavorisé et renfermé sur lui-même, durant trois étapes clés de sa vie. L'enfance, l'adolescence et l'âge adulte seront les témoins de ce voyage émouvant et authentique.
Ce qui marque dans la première étape, avant de comprendre dans la seconde les motivations du metteur en scène, ce sont les personnages. En à peine quelques regards, on comprend immédiatement toute la détresse qu'ils renferment. La performance des acteurs y est pour beaucoup et la mise en scène souligne cette caractérisation qui n'a besoin d'aucuns mots pour s'exprimer. Cette force narrative nous la retrouvons tout au long du parcours de Chiron et des personnages qui l'entourent.
C'est en introduisant la deuxième étape, celle de l'adolescence, que l'on commence à réellement saisir les intentions de Barry Jenkins. Chaque moment de la vie de Chiron, chaque choix, chaque décision et chaque rencontre va définir ce qu'il est et sera. Vous me direz que c'est le cheminement logique de l'évolution d'un personnage dans un long-métrage. En effet c'est le cas, cependant, la force de Moonlight réside dans la manière dont cette évolution est mise en images. La symbolique de certains plans, comme cette sorte de baptême au début du film, expliquent à eux seuls ces pas en avant qui détermineront les actions futures. De plus, comme expliqué plus haut, les regards, de simples expressions, nous permettent d'accompagner cet enfant jusqu'à une conclusion remarquable tant par sa simplicité que par les émotions transmises pendant et après le film.
Barry Jenkins ne se contente pas uniquement de développer son personnage principal. Les hommes, femmes et enfants qui traversent sa route ont autant d'importance que lui, à commencer par ce dealer décidant de prendre le gamin sous son aile, non pas pour lui apprendre ses magouilles, mais pour remplir instinctivement le rôle d'un mentor, d'une figure paternelle, de celui qui bouleversera toute son enfance. Ce personnage est d'ailleurs incarné avec talent par le remarquable Mahershala Ali.
Mahershala Ali n'est pas le seul à briller dans cette chronique d'une vie. Les trois acteurs jouants Chiron tour à tour nous livrent des performances incarnées d'une cohérence stupéfiante, au point de se demander si le film n'a pas été tourné sur plusieurs décennies tel un Boyhood. Alex R. Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes transcendent leur(s) personnage(s). En plus de Jharrel Jerome et Andre Holland, on retrouve avec plaisir la sublime Naomie Harris dans un rôle de mère camée, formidable composition.
Moonlight n'est pas un drame, c'est une histoire qui traverse une vie torturée et qui donne beaucoup d'espoir. La vie est un chemin semé d'embûches, mais surtout alimenté par de nombreux moyens de les contourner et de les affronter. Des regards qui en disent plus que les mots, des images aussi puissantes que de longues parades, des personnages simples et pourtant enracinés dans le récit et notre esprit. C'est là toute la magie, cette poésie mélancolique qui nous fait traverser deux heures d'un grand moment de cinéma.
Si vous pensez que trop de choses ont été dévoilées dans les lignes précédentes, vous serez surpris de ce qui vous attend...