Dans l'une des premières scènes, Juan porte le jeune Chiron dans la mer en le maintenant allongé à la surface de l'eau, et l'invite à fermer ses yeux : nous ne quitterons finalement jamais l'océan Atlantique avant l'arrivée du générique de fin.
Car Moonlight est avant tout une expérience sensorielle assez unique, où la forme devient la meilleure alliée du fond. Arrière-plans presque toujours flous, sons environnants indistincts, dialogues très épurés, plans rapprochés, caméra parfois légèrement tremblante : Chiron n'a que très rarement de contrôle sur ce qui arrive autour de lui et sur ses émotions, et le spectateur se sent ainsi flotter tout le long de façon incertaine avec le personnage.
Finalement, la plage où il se rend avec son amant représente pour lui son seul ilôt de sécurité et de stabilité, à l'extrême opposé de son foyer maternel. Cette supposition est bien illustrée par ce sublime plan nocture qui nous montre l'entrée de la plage, tel la porte d'un temple où l'on peut se réfugier pour échapper à la folie du monde extérieur.
Le film vainqueur de la dernière cérémonie des oscars est une traversée cinématographique, visuelle et auditive qui vaut le détour et se prête à être étudiée en profondeur. Je regretterai uniquement un scénario et une histoire parfois trop attendus qui, s'ils n'enlèvent rien à la prouesse de la réalisation, ne m'ont pas gardé aussi impliqué que j'aurais pu le rester.