Chiron est un de ces enfants pour qui la vie aura été un combat depuis sa naissance. Noir, pauvre, persécuté par ses camarades pour les doutes qu'il éprouve quant à son orientation sexuelle, il n'a même pas la chaleur d'un foyer pour le réconforter : à la maison, sa mère, une junkie prête à tout pour se procurer une dose, s'emploie à lui montrer à quel point elle le méprise. L'influence de The Wire est ici palpable.
Dans la première partie du film, c'est en Juan (Mahershala Ali) qui Chiron trouvera un père de substitution, qui saura lui donner ce qu'il ne trouvera plus jamais par la suite autour de lui : de la confiance en soi, et la volonté de s'affirmer. Mais s'affirmer en tant que quoi, en tant que qui ? Tout comme Chiron, le film ne sait pas exactement ce qu'il est. Défense de la condition des gays, des noirs, des pauvres, des trois à la fois ? Le film, qui brille par sa retenue, devient tragique lorsque Chiron, devenu adolescent mais toujours aussi incapable de communiquer, est passé à tabac par les durs de son lycée... et par son meilleur ami.
Plutôt que de donner la parole à Chiron, le film laisse parler les visages (souvent filmés en gros plan) et les éclairages qui célèbrent la peau sombre des protagonistes. Le spectateur qui attendait un mélo moraliste en sera décontenancé, mais il lui sera bien difficile de rester impassible devant la dernière partie du film, où tout se dénoue. Chiron, qui s'est construit une carapace de gangster machiste pour ne plus avoir à souffrir, revoit le seul avec qui il a eu une liaison, durant son adolescence. Plein d'espoir au début de la séquence, l'armure de Chiron éclate lorsque le naufrage de sa vie affective lui revient en pleine face. Déchirant.