Il faudrait peut-être abandonner nos réflexes un peu stupides nous poussant à croire que tout un film doit être réussi pour qu'on l'aime. Après tout, une pépite de chocolat dans une tarte pas cuite peut suffire à remplir de joie une journée d'hiver, pourquoi n'en serait-il pas pareil avec une phrase magnifique dans un livre ennuyeux, une idée dans un film qui ne nous convainc pas ?
J'aime un quart d'heure de Moonrise Kingdom. N'importe quel quart d'heure d'ailleurs. Mis bout à bout, je trouve que ça tourne en rond, que la machine est trop bien huilée. Et pour une fois, tant pis pour moi ! Car, au fond de ce quart d'heure, à travers tout le film, une idée ressurgit, qui elle m'emplit d'un effroyable bonheur triste.


Wes ne croit plus à l'humanité, cette fois c'est évident. Avec un tel désenchantement, on peut écrire Voyage au bout de la nuit, ou bien bâtir des machines à rêver, à rêver de ce que pourrait être l'humanité si elle n'était pas condamnée à tout gâcher. Pour ce faire, Anderson nous livre un conte, et comme chacun sait, il ne faut pas juger d'un conte avant d'en connaitre la fin. Oubliant ce principe, j'ai un peu pesté pendant l'ouverture du film de cette idée légèrement poussive de passer en entier l'analyse d'un orchestre, instruments par instruments. Facile ? Répétitif ? Evident ? Patience et longueur de temps, car à la toute fin de la toute fin, presque trop tard, pour ceux qui étaient restés dans la salle ( une nouvelle preuve que l'humanité est trop pressée), il y avait encore à déguster quatre minutes de bonheur signé Desplat. Instrument après instrument, la mélodie se décomposait et se recomposait, et soudain tout devenait évident : si tous les méchants du film, en s'unissant, de guerre lasse, font triompher l'amour, c'est qu'un groupe humain, comme un morceau de musique, c'est autant d'individualités qu'on peut s'amuser à nommer, à décrire, à contempler l'une après l'autre, mais qui ne prendront sens qu'au delà des mots, ensemble. Bref, cessons de raisonner pour enfin résonner. Cette façon que Wes a de s' accrocher à cette idée, totalement utopique et qui ne peut exister "en vrai" que dans un film, me plait. Elle est amère et envoutante. Comme une pépite de chocolat.

Chaiev
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le 1 juin 2012

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