Wes Anderson possède indéniablement un univers singulier, qui confère à ses films une beauté plastique incontestable. Cela dit, ce style très personnel, ingénu et décalé, ne me parle pas plus que ça et ses afféteries me laissent à distance.
Dans "Moonrise Kingdom", il est question d'un couple de très jeunes gens à peine sortis de l'enfance, qui décident de faire une fugue en amoureux, tellement déçus qu'ils sont par le monde des adultes.
Il faut dire que Sam, scout et orphelin, et Suzy, grande lectrice malheureuse dans sa famille, sont deux âmes solitaires en cet été 1965, sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre.
Le propos très naïf et le ton enfantin du récit amusent et fascinent un certain temps (cela coïncide avec l'échappée belle des deux jeunes héros, au début de leur périple aventureux), mais finissent par fatiguer voire agacer sur la durée, même si le film n'excède pas une heure et demie.
La dimension très kitsch du métrage finit par sentir quelque peu le renfermé, d'autant que les tentatives humoristiques ne sont pas toujours du meilleur effet.
Heureusement, il reste la mise en scène singulière de Wes Anderson, qui multiplie les travellings à l'horizontale ou à la verticale, propose une photographie très colorée, et soigne la composition de ses plans avec un perfectionnisme qui confine à la maniaquerie, donnant ainsi à son cinéma un aspect proche de la bande dessinée.
Forcément, il s'agit alors d'une affaire de goût, et chacun appréciera plus ou moins cette esthétique selon sa sensibilité : pour ma part, j'ai tendance à me sentir extérieur au récit et à distance des émotions. Cela dit, la science du cadrage et de la symétrie de Wes Anderson s'avère impressionnante, et vient caresser la rétine de l'esthète qui sommeille en chacun de nous...
En fait, ce qui accentue le sentiment de déception, c'est l'accueil dithyrambique dont a bénéficié "Moonrise Kingdom", qui en soi reste une œuvre originale et assez plaisante.
Comme si la majorité du public, séduit par la poésie tendre et onirique du réalisateur américain et par la présence de stars hollywoodiennes à contre-emploi, avait totalement omis la dimension très basique voire superficielle de cette bluette adolescente.
Surtout que les stars en question ne se foulent pas trop, capitalisant surtout sur leur image et leur charisme respectif, et proposant chacun un jeu mono-expressif qui ne restera pas dans les mémoires.