Kenneth Branagh, nord-Irlandais de son état, fait l'effort de parler français pour camper le célèbre détective belge Hercule Poirot. C'est tout à fait respectable. Mais l'entendre lutter pour prononcer des phrases intelligibles en français ou déblatérer ses tirades en anglais avec un faux accent français pendant plus de 2 heures, c'est insupportable. Les francophones et Belges qui parlent un tant soit peu l'anglais vont saigner des oreilles. Si seulement cette pollution sonore était le seul écueil de cet objet filmique esperantophile... Commençons par le commencement. Hercule est au front. Pas de chance, un éclat d'obus lui arrache la moitié du visage. Ce qui lui donne un petit côté Harvey Double Face. C'est fâcheux, mais sa chère et tendre le rassure: "T'inquiète Kenneth (euh Hercule, pardon), t'as qu'à te laisser pousser la moustache, on n'y verra que du feu". Par magie, la moitié de son visage en steak haché ne porte plus aucun stigmate quelques années plus tard. Mais là n'est pas le seul tour de passe-passe du grand Kenneth. En effet, il voit grand pour retranscrire les bords du Nil de l'époque. Comment mettre en images la beauté des pyramides, des couchers et levers de soleil sur le Nil? Et bien...Bim, un petit coup de CGI indigeste. Pour le dépaysement, l’émerveillement, voire l'immersion, on repassera. En parlant d'immersion...Kenneth nous sort plusieurs fois le grand classique du plan qui démarre en surface et finit en profondeurs. Pourquoi? Aucune idée. Mais au moins, il pourra dire qu'il l'a fait. Enfin, les nombreux travelling sur le bateau sont purement opératiques, et ne nourrissent jamais la narration. Alors qu'il y avait très certainement matière.
Quant au déroulement de l'intrigue, le grand Kenneth nous impose 50 minutes d'exposition des personnages et de l'intrique qui auraient pu être facilement réduites à 15 ou 20 minutes. Beaucoup de scènes sont évidemment consacrées à l’immense Kenneth, puisque c'est lui le patron. Même si cela ne fait aucunement progresser l'histoire. Par contre, quand il s'agit de démêler les fils de l'intrigue, percer le mystère et exposer au public le génie de Poirot, ça va beaucoup plus vite. Trop vite. Il est question ici d'illustrer la vivacité d'esprit du détective, et donc du grand Kenneth. Dont les traits du visage n'ont jamais paru aussi parfaits.
Conter la suite et la fin serait une pure perte de temps, comme le temps passé en salle devant cette chose.
Mais ayons un minimum d'indulgence pour Kenneth. Peut-être reviendra-t-il plus inspiré. Pourquoi pas pour aborder un thème qu'il semble bien placé pour traiter: l'hypertrophie du moi.