Voici un film d'archéologie soviétique que je viens de découvrir presque par hasard.
Je plaisante, bien sûr, mais en fait pas tant que ça.
"Moscou ne croit pas aux larmes" est un mélodrame réalisé par un certain Vladimir Menchov en 1980 qui raconte sur un laps de temps de vingt ans , le devenir de trois jeunes filles en 1958 puis qu'on revoie en 1978.
Ces trois jeunes filles sont parties de leur province pour arriver à Moscou, la ville où tous les espoirs sont permis que ce soit en terme de réussite professionnelle ou en terme de vie sentimentale.
Le film est astucieusement bâti en deux parties complètement distinctes de façon à opposer l'espoir en 1958 et le point de chute en 1978. On se doute qu'il y a forcément un écart. L'une d'entre elles a décidé d'abdiquer tout espoir à Moscou et retourne au pays pour s'y marier et commencer une vie familiale ; les deux autres ratent leur vie sentimentale mais l'une d'entre elles réussit sa vie professionnelle.
De la même façon que dans tout autre pays du monde, les illusions, le strass, l'apparence ne sont que des pièges dont on doit se méfier ; comme on dit, les promesses n'engagent que celui qui les écoute. Et l'illusion ou le mensonge ne peuvent qu'engendrer de la méfiance dès que la supercherie est démasquée.
Une des deux qui restent à Moscou s'invente une personnalité pour mieux séduire et rate tout, que ce soit professionnellement et sentimentalement.
L'autre rencontre un homme qui la séduit malgré ses réticences mais se retrouve très rapidement enceinte faisant aussitôt fuir l'homme. "Courage, fuyons". Par contre, professionnellement, elle s'accroche à son boulot et réussit sa carrière professionnelle.


Mais ceci n'est pas le plus intéressant dans ce film.
Le film qui date de 1980 et montre la société moscovite des années 1958 (ère khrouchtchevienne post stalinienne) et 1978 (ère brejnevienne) ; ce n'est pas du tout un film politique au sens où il critiquerait ou encenserait le régime totalitaire. Pas du tout. La politique est complètement hors champ. On ne voit aucun policier, encore moins le KGB et les babouchkas, concierges et mouchardes, sont ici super sympas et compréhensives.
Non, c'est en creux que les choses se voient. Et ces choses sont quand même étonnantes.
Les trois jeunes filles ont des rêves et des espoirs que ne désavouerait aucune société occidentale de cette époque. On ne s'attend pas que, dans une société dite "communiste", sans aucun préjugé, le principal souci d'une jeune fille soit de trouver un boulot qui rapporte bien ou de trouver un mari avec une bonne situation. Et l'inverse est encore vrai : quand un des soupirants se rend compte fortuitement que la jeune fille dont il est amoureux (façon de parler) n'est qu'une ouvrière et donc pas de bonne famille ni riche, il l'abandonne sans plus de façon.
Même si le film s'attache à ne montrer aucune pénurie ni problème social de quelque nature que ce soit, il y a des réflexions qui font mouche : "rappelle-toi que notre pays a le meilleur système médical au monde" ou encore celle qui travaille en usine évoque la difficulté de trouver du papier …
Les appartements ont beau être grands et bien équipés en 1978 comparativement à ce qu'on pourrait trouver dans les pays occidentaux à la même époque, le problème de l'alcoolisme récurrent surgit à de nombreuses occasions comme malheureuse alternative à l'échec.
Et puis le fait de s'illusionner, de modifier son apparence, de se mentir pour mieux séduire n'est-ce pas une tentative discrète de montrer ce pouvoir totalitaire qui était clairement dans le déni et l'apparence


Dans la deuxième partie, apparaît un homme, un ajusteur, content de son sort, qui n'a pas d'ambition particulière mais qui s'attache à trouver le bonheur dans ce qu'il a sous la main et prend plaisir à un piquenique dans une belle campagne avec des amis et en chansons : on retrouve là l'âme slave qui semble seule porteuse de bonheur. Même si on peut percevoir dans ce même homme un machisme certain et surtout une difficulté de communication entre les hommes et les femmes. D'ailleurs, la fin restera assez ouverte sur ce sujet dont on ne peut qu'espérer que les héros sauront surmonter la difficulté.
D'un point de vue de la mise en scène, je pense qu'on n'a pas lésiné sur les moyens pour présenter un beau film, avec une belle photographie et une belle bande sonore. Les chansons nombreuses sont d'ailleurs traduites dans la VF .


Au final, c'est un film très intéressant, non exempt d'émotion, "qui mérite un détour".

JeanG55
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le 18 avr. 2021

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JeanG55

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