Derrière le malaise se cache une révélation

Mother! n'est pas un film à prendre à la légère. Il ne faut pas y aller en s'imaginant tout comprendre dès le premier visionnage dans l'état d'esprit de consommation habituelle qu'on a tous lorsqu'on va au cinéma ; à la recherche d'efficacité, de frissons, de jeu d'acteur poignants et d'un scénario recherché. En fin de compte, la dernière réalisation de Darren Aronofsky y correspond tout à fait mais il faut juste laisser le temps à notre esprit de digérer et d'assimiler ce monstre cinématographique. En ce sens, Mother! est un chef-d'oeuvre et ceux qui le considèrent comme le pire film de l'année ont tout simplement penser trouver la même efficacité qu'un Blockbuster américain classique avec des super-héros qui sauvent le monde ou des zombies qui envahissent la Terre. Ne les prenez pas en compte, ils n'ont tout simplement pas fait l'effort de comprendre. Ce film marque et laisse une trace indélébile et je suis tout à fait d'accord avec le fait que ce film provoque nos habitudes de cinéma et ne peut pas laisser indifférent. C'est un film qui divise. Il utilise une métaphore dans un cadre commun pour parler d'un sujet bien plus universel et puissant et en cela on ne peut que reconnaitre la patte torturée du réalisateur en repensant à ses précédents films comme Requiem for a Dream ou Black Swan. La bande-annonce est trompeuse et ne laisse entrevoir que la première partie, qui, en soit, est ambiguë mais classique. Ce couple qui semble vivre une relation épanouissante dans leur nouvelle maison en pleine campagne est bousculée par l'arrivée de deux inconnus qui investissent les lieux comme s'ils étaient chez eux. L'ambiguïté et le mystère semblent être les maitres mots de cette partie. L'atmosphère est pesante, voire étouffante avec ces prises de vue très serrées sur les visages des acteurs, en particulier celui de Jennifer Lawrence, qui, comme nous, est dans l'incompréhension et la surprise face à un tel comportement. Si on regarde cette partie au premier degrés, on pourrait penser à des vieux films d'horreur comme Rosemary Baby ou encore Amityville : la maison de l'horreur, et forcément on risque d'être déçu car cette partie laisse place à une seconde beaucoup plus étonnante mais très différente. Toujours sous le joug de la métaphore, elle se montre plus violente, hétérogène et incohérente. Je l'ai personnellement trouvé terrifiante. Le Temps n'a plus de valeur, les relations humaines non plus. Cette maison qui semblait être un paradis se transforme en Enfer où l'Homme prend possession des lieux. Derrière ce huis-clos magistral se cache un portrait cruel de notre société actuelle qui nous oblige à repenser notre place sur Terre ainsi que notre existence même et en cela, je trouve que le réalisateur signe un coup de maitre ! Tout est référencé et aucun élément n'est laissé au hasard : on réfléchit alors à la valeur et au sens de nos Ecritures Saintes, plus particulièrement la Genèse et l'Apocalypse, à l'extrémisme du culte, et tout simplement à la nature humaine qui est dépeinte comme égoïste et pourrie de l'intérieur. L'explication n'est pas spontanée, loin de là. Pour ma part, je suis sorti décontenancé et perplexe et j'ai laissé les images du film décanter dans ma mémoire et j'ai également lu la signification qu'a voulu donner le réalisateur derrière tout ça et tout d'un coup, tout s'est éclairé et j'ai alors constaté le génie qui se cachait derrière Mother!. De plus, le film est interprété par des acteurs incroyables qui arrivent très vite à rendre les situations irritantes et insupportables. Jennifer Lawrence délivre une performance tout en retenue mais très sensible et on ne comprend qu'après toute la subtilité avec laquelle elle a du jongler. Son rôle est d'une complexité incroyable. Javier Bardem, lui, est très troublant : on ne sait s'il appartient à la même race humaine et son rôle reste pour moi un grand mystère. J'ai particulièrement apprécié Ed Harris et Michelle Pfeiffer qui sont glaçant tout en étant très avenants. La signification de leur rôle et la traduction dans un cadre domestique est une vraie réussite. En tout les cas, ce film est une expérience cinématographique qu'on a très rarement l'occasion de vivre au cinéma. Cette puissance et ce tourbillon final dans l'horreur humaine ne rendent Mother! que plus magnifique et intriguant et c'est sans doute le meilleur film de l'année.

Créée

le 18 sept. 2017

Critique lue 478 fois

Critique lue 478 fois

D'autres avis sur Mother!

Mother!
Sergent_Pepper
2

Les arcanes du film d’horreur

Sur la table en acajou, l’écriteau « Attention verni frais ». Dans la corbeille, des cookies et du lait en brique, des pinceaux, de la Biafine, des cigares, un briquet, la Bible, un string vert et un...

le 8 déc. 2017

161 j'aime

27

Mother!
blacktide
7

Le monde, la chair et le diable

Il est parfois difficile de connaître son propre ressenti sur une œuvre. Non que l’avis soit une notion subjective qui ne s’impose véritablement à nous même que par le biais des émotions, mais que ce...

le 21 sept. 2017

139 j'aime

14

Mother!
Frenhofer
5

Les Ruines circulaires d'un Jardin aux sentiers qui bifurquent

Cinq baccarat Quand je mets cette note, ça na vaut pas 5: ça vaut à la fois 0 et 10. C'est la note parfaite pour ce film. Entendons-nous. Mother !, dernier né de Darren Aronovsky, est une oeuvre...

le 23 sept. 2017

137 j'aime

18

Du même critique

Un amour impossible
alsacienparisien
8

Récit romanesque d'une densité rare

Adaptation du roman phare de Christine Angot, "Un amour impossible" est un film fleuve qui retrace l'ensemble d'une vie. C'est étonnamment dense, percutant et fort. Les thématiques centrales vont au...

le 11 nov. 2018

21 j'aime

1

Normal People
alsacienparisien
9

La claque de la délicatesse

Normal People, c'est carrément le genre de série qu'on bichonne et qui fait du bien à l'âme, nous rappelant notre condition de mortel et explorant notre capacité d'aimer. Ça parait très perchée dit...

le 29 mars 2021

18 j'aime