! ATTENTION SPOILERS !
Après une version déjà bien déconcertante de l'Arche de Noé, Darren Aronofsky revient en force pour s’attaquer à un autre mythe du Livre, à savoir... et bien, la Bible elle-même.
Il en tire une espèce de pamphlet anti-religieux, pour ne pas dire anti-Chrétien — quitte à taper fort, autant le faire là où le public de son pays est le plus sensible — dans lequel le Tout-Puissant est dépeint en artiste atteint du syndrome de la page blanche, plus que jamais dépendant de son lectorat (c’est-à-dire de ses fidèles) au point de le laisser envahir sa maison, dérober ou détruire ses objets sacrés, tuer son fils nouveau-né puis manger sa chair au cours d’un rituel cannibale satanique (grossière caricature de la passion du Christ et de l’eucharistie), le tout au dépens de sa compagne qui n’est autre que Mère Nature.
Celle-ci, interprétée par une Jennifer Lawrence très convaincante (Aronovsky semble d’ailleurs bien plus se reposer sur ses acteurs que sur sa réalisation) fait à la fois office de personnage central et de principal témoin (puis victime) de la folie des Hommes. A travers ses yeux, le spectateur assiste progressivement à l’envahissement puis à la destruction de son foyer — un Jardin d’Eden aux faux-airs d’Amityville — par une horde de fanatiques venus adorer leur idole au mépris des avertissements de la maîtresse des lieux. Tout y passe : le péché originel (destruction de l’objet en verre), le meurtre fratricide (Caïn et Abel), le Déluge (scène de l’évier arraché et de l’inondation), puis toute la folie meurtrière évoquée dans le Nouveau Testament (Javier Bardem reprendra même à un moment clé les paroles du Christ sur la Croix : « Il faut leur pardonner » mais en oubliera la suite « car ils ne savent pas ce qu’ils font ») et enfin, l'Apocalypse (par ailleurs spoilée dès le tout premier plan du film...). Puis, une fois que tout est détruit, il est temps de tout recommencer à zéro ; sauf que l’on devine que les choses ne seront guère différentes de la fois précédente — pourquoi le seraient-elles ?
L’on pourrait croire, dans un premier temps, qu’Aronovsky ne livre ni plus ni moins qu’une retranscription contemporaine du livre le plus lu de notre civilisation adaptée au regard de notre société. Sauf qu’il en oublie le plus important : proposer une réponse, une porte de sortie à tout cela. Qui, au sortir de son film, peut se dire autre chose que : « Mouais bon en gros l’humain est condamné à détruire la planète et à se laisser empoisonner l’esprit par la religion » ? Qui exactement trouvera géniale cette vision pessimiste, barbare et exempte de toute note d’espoir, si ce n’est un philosophe à l’esprit tordu, cynique et désabusé, à l'image de ceux qui, d'une époque pas si lointaine, se prétendaient « Lumières » ?
ET ENCORE, s’il n’y avait que la religion...
Si la métaphore Biblique que se révèle sans l’ombre d’un doute Mother! dans ses dernières (et assommantes) minutes bat déjà des records en terme de lourdeur et de grotesque, le film n’est pas plus agréable sous sa forme primaire, c’est-à-dire le portrait d’un couple en crise des plus actuels. Jennifer est une jeune femme aimante et possessive ne songeant qu’à couler des jours paisibles avec son homme dans la maison qu’elle a rebâtie elle-même, tout en espérant que celui-ci partage son amour. Mais Javier n’en a cure, il n'est qu'obsédé par l’idée de retrouver l’inspiration et un fan-club, dont l’affection et l’admiration compte évidemment bien plus que celui que lui porte sa femme ; à tel point qu’il en perd tout désir pour celle-ci. Et puis un beau jour, crac ! Popol se réveille enfin et Javier engrosse sa belle, retrouvant du même coup l’inspiration et la joie de vivre. Un bébé comme élément salvateur du couple en crise, mais bien sûr ! Magnifique vision étriquée et clichée de notre époque ! Sans compter que l’écrivain n’en délaisse pas moins son épouse (qui semble plus lui servir de muse qu’autre chose), selon cette dernière il n’aimerait en fin de compte que « l’amour qu’elle lui porte ». Qui ne se souvient pas de Madame de Rosemonde qui mettait en garde Tourvel contre Valmont tout en lui dépeignant les hommes de la même façon réductrice ? On ne se consolera pas davantage avec le couple Ed Harris & Michelle Pfeiffer, Adam et Eve* façon XXIème siècle, lui gros fumeur et père irresponsable, elle cougar botoxée, alcoolique et prédatrice.
En bref, une vision d’artiste certes mais une vision balourde, sinistre et déplaisante, dont on se demande bien l’utilité compte tenu du fait qu'elle n'apporte rien de nouveau ou de positif. Reste l’interprétation des acteurs, d’une justesse suffisante pour « sauver » la croûte d’un naufrage complet.
[Comme en atteste la vilaine blessure au côté de Monsieur, que l’on aperçoit lors de la scène où il vomit dans les chiottes*]
[1]: http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Mother-rejoint-la-liste-des-films-les-plus-detestes-par-le-public-americain
[2]: https://www.youtube.com/watch?v=89IszI3GkXE&t=91s