En version courte sans spoiler, je dirais que Mother! est un film à voir, parce qu’il ne laissera pas indifférent. On peut aimer comme on peut détester, mais il sera difficile de sortir de la salle sans avoir rien éprouvé pendant la séance. À une époque où le cinéma est archi calibré et offre un spectacle de plus en plus plat et fade, c’est forcément une qualité. Pour ma part, j’ai adoré, parce que la réalisation est excellente, elle offre une tension extrême à chaque plan, ne laisse aucun répit au spectateur et adopte une posture jusqu’au-bout-iste pour faire passer son message. C’est dur, oppressant, mais en même temps brillant et captivant. Le côté métaphorique et allégorique de l’œuvre ne plaira pas à tout le monde, mais j’y ai été particulièrement sensible
Quelques spoilers en dessous :
Sur le contenu du film, j’ai adoré cette façon de faire cohabiter plusieurs niveaux de lecture dans une seule histoire. La métaphore biblique d’abord, où Javier Bardem serait une sorte de Dieu, accueillant et chaleureux, autorisant les humains à pénétrer dans son Eden, avant de les chasser. Il voudra pourtant conserver leur admiration et leur dévouement, écrira les textes sacrés qui plongeront le monde dans les guerres de religions. Il fera naître Jesus qui sera détruit et vénéré par les humains. L’histoire se termine par l’apocalypse ; avant que le cycle ne recommence. Le rapport à Dieu est ici particulier, on sent qu’Aronofsky est à la fois fasciné et repoussé par cette entité.
Il y a aussi l’allégorie écolo. Jennifer Lawrence est Mère nature, elle crée la terre qui accueillera les humains. Les humains s’installeront et useront la terre sans aucun respect. Ils ne réagiront pas aux avertissements de la nature (la scène de l’évier mal fixé), voudront absolument marquer la terre de leur empreinte, peu important les conséquences. Le personnage de Bardem représente alors la contradiction de l’être humain, qui assure aimer la nature sans pour autant agir envers elle comme il se doit. A terme, les actions de l’Homme le mèneront à sa perte, puisque la mort de la Terre scellera son sort.
Il y a enfin la métaphore de l’artiste, vaniteux, désireux de créer quelque chose, de devenir un objet d’adoration. La femme est alors réduite au statut de muse, qui n’est bonne qu’à aimer d’un amour inconditionnel, et à admirer l’artiste. On va alors jusqu’aux dérives possible de la création, quand un « inventeur » se veut prophète et que sa parole devient évangile, entraînant le monde dans la folie. Le thème de la personne sacrifiant toute raison pour son travail ou son œuvre a déjà été abordé par le réalisateur avec Black Swan et The Fountain, voire The Wrestler à un degré moindre.
On peut aussi y voir un thriller psychologique et métaphorique au premier degré, mais ce serait alors passer à côté son l’intérêt, pour ne garder qu’un film vicieux, pénible, éprouvant et prétentieux. Prétentieux, ce film d’Aronofsky l’est sans doute un peu, mais où est le problème si le résultat final est à la hauteur de ce que l’auteur souhaitait accomplir ? Quoi qu’il en soit, quand on voit les réactions extrêmes (de rejet ou d’approbation) qu’il suscite, on peut dire que les hommes soumis à l’œuvre d’un créateur ne sont pas si différents de ceux décrits dans Mother!