Le mal de mère
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Le cinéma est protéiforme.
Sa quintessence peut venir de plusieurs sources : d’un homme suspendu et déchiré par d’immenses crochets métalliques, sur lequel on verse l’huile bouillante d’un plat de calamars à la poêle (le cinéma comme force de sidération par une image ultra-violente et grotesque) ; comme d’une jeune lycéenne qui parle de façon triviale de l’intérêt qu’elle trouve dans la littérature, ou qui mange des spaghettis, ou qui fait l’amour, dans un temps dilaté, étiré (le cinéma comme une douce émulation du réel, du cœur des relations humaines).
Ainsi, le cinéma est possible même lorsqu’il renonce à la psychologie. La mère et les deux enfants de Motherland (2024, Alexandre Aja) n’ont pas d’âme. Jamais leur parole ne provoquera de sentiments. Ils sont, pour le pire, des pages de scripts venues transmettre des morceaux d’intrigues, et, pour le meilleur, des êtres qui révèlent parfois des pulsions primaires. Un frère suit aveuglément sa mère et l’autre la met en doute. Le second frère a peut-être été poussé par la jalousie, par un manque d’amour de sa mère, ou par le sifflement d’un mal-serpent originel, à trahir son frère en le blessant dans ce qu’il se convint d’être un accident.
Dans ce film où une petite famille erre dans une forêt où vit (vivrait) le mal, protégé uniquement par des cordes reliés à leur maison qui fait office de sanctuaire (mis en avant par la répétition d’un mantra), le cœur du film n’est pas la peur mais le doute. La mère est-elle une fondamentaliste religieuse étrange, dont l’ancienne vie de débauche (suggéré par son tatouage en forme de serpent) la pousse à se tenir à l’écart du monde, ou la dernière survivante d’une apocalypse mystique, qui serait la seule à voir les apparitions du mal ?
Ça n’a malheureusement aucune importance. Renoncer à la psychologie est un choix acceptable, qui demande en retour de se concentrer sur l’image et la mise en scène. Dans cette forêt – si jolie soit-elle, par ses petits éclats de verts chatoyants – le mal ennui, prenant la forme d’apparitions humaines, sanglantes ou non, à la voix modifiée, qui se contentent de faire peur en s’associant à des sons stridents.
Comme tous les déchets du cinéma d’horreur moderne, le film a oublié la dimension viscérale du corps qui peut remplacer la psychologie (les adolescents forcés de se maintenir éveillés, dans un état second, pour échapper au cauchemar meurtrier des Griffes de la nuit (1985, Wes Craven)), et il insulte près de 100 ans d’histoire du cinéma par son mépris du cadre (un pauvre plan qui joue sur le point de vue et la séparation de l’espace avec une vitre) et du montage (de pauvres recadrages aléatoire d’une image, par peur – lâche – d’une lassitude des spectateurs).
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Créée
le 2 oct. 2024
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