Le mieux est l'ennemi du bien...
À en croire les voix de l'industrie cinématographique coréenne à l'approche de sa sortie, Mister Go allait battre tous les records. Il y avait en effet des raisons d’y croire : premier film coréen en 3D, effets spéciaux digne d’une production hollywoodienne, tous les éléments étaient réunis pour tirer sur la fibre patriotique si efficace dans la péninsule quand il s’agit de vendre un film aux spectateurs. Quelques jours après sa sortie, il faut se rendre à l’évidence : Mister Go est un échec.
Que le film ne soit pas bon n’explique pas forcément les raisons du manque d’intérêt du public coréen, des films beaucoup plus mauvais ayant été des succès dans le passé (D-War, une daube cosmique ayant fait 8 millions d’entrées en jouant sur la seule fibre patriotique du « nous aussi on peut le faire »). Mais plutôt que tenter d’expliquer l’échec, intéressons-nous aux raisons pour lesquelles le film n’est pas bon. Qui sait, peut-être qu’au final, ça a pu jouer cette fois ci.
Bon déjà, le premier point à noter est que le gorille est suffisamment convaincant. Pas à la hauteur de l’incroyable rendu de Rise of the Planet of the Apes, mais pour un film coréen, c’est vraiment pas mal du tout. Quelques scènes font un peu plus fake, mais globalement on y croit et le film ne pâtit jamais de la qualité de ses effets spéciaux. Le problème n’est donc pas là.
Le problème, c’est le scénario. Très étonnant que le top départ ait été donné sur un tel script. Le problème n’est pas la crédibilité, on a déjà vu des films avec des idées plus saugrenues qu’un gorille jouant au baseball s’avérer très regardables, voire même bons. Le problème c’est que plutôt que faire un film de sport classique, ce qui avait très bien marché avec le premier opus du réalisateur, Take Off, Kim Young-Hwa s’est obstiné à vouloir faire quelque chose de différent. En gros, sans vouloir trop en révéler (bon en même temps, je pense pas que spoiler ce film ne dérangera qui que ce soit), le film tue littéralement tout enjeu dramatique au bout de 40 minute. En effet, très vite le gorille sait jouer au baseball et réussit à trouver sa place dans l’équipe dans laquelle il joue. Alors que le film aurait pu se contenter de narrer l’intégration du gorille dans l’équipe (qui d’ailleurs est inexistante, aucun second rôle n’étant attribué à un joueur), l’enjeu classique de la montée difficile jusqu’à la gloire présent dans tout film de sport est ici tué dans l'oeuf. Le reste du film s’attache à nous raconter une histoire de conflit d’argent entre deux acheteurs pour la possession du gorille. Ça n’a aucun intérêt et ça écarte l’histoire du seul noyau qui aurait pu lui faire tenir la route : la relation entre le gorille et la jeune Wei Wei, qui passe d’ailleurs toute la deuxième moitié du film sur un canapé à se faire chier (comme nous).
L'autre énorme défaut du film est l'absence totale de vrai héros : ce n'est ni le gorille, ni la fille, ni le coach... Cette indécision est très préjudiciable à la valeur dramatique du tout qui a constamment le cul entre deux chaises et n'arrive au final à n'émouvoir avec aucun des personnages.
Côté comédie, ça reste vraiment cheap et les gags, quoique pas tous catastrophiques ne relèvent pas suffisamment le niveau pour nous tirer de l’ennui profond que suscite la deuxième partie.
On a aussi l’étrange impression d’être en face d’une suite, le gorille étant d’entrée très fort, et le lien d’amitié entre l’héroïne et lui n’étant pas développé sur la longueur durant le film, mais à la place résumer sous la forme d’un faux reportage TV dans l’introduction. Cette partie qui aurait dû constituer toute la première moitié du film si le réalisateur n’avait pas eu pour obsession de faire autre chose que ce que le film aurait toujours du rester : un bête film de sport. Kim Young-Hwa tue ainsi dans l’œuf son propre rejeton primate et nous prouve que décidément, le plus est l’ennemi du mieux.
Note : Le film étant une coproduction sino-coréenne, il existe un montage alternatif pour le marché chinois, qui à mon avis est bien meilleur, si le film insiste plus sur la première partie en Chine dans le cirque (la meilleure partie).