Le crépuscule d'une vie bien remplie, sur fond de futur déshumanisé. Et cette mémoire qui semble jouer des tours quand vient le temps de la confession. Qui débute par un choix, impossible à faire pour un enfant.
Le spectateur se surprend à penser au rouge ou au bleu s'offrant au Neo de Matrix, avant d'explorer les vies de Nemo, embrassant avec la malice propre au troisième âge les champs des possibles de son existence.
Caractérisée par ses attirances. Par trois petites filles qui deviennent à ses côtés adolescentes farouches dont on ne peut que tomber amoureux. Leurs traits ronds et encore juvéniles irradient. Nemo goûte, jouit, se perd, avant que ces trois jeunes filles se muent en femmes archétypes entre jaune, bleu, et rouge. Entre moi, surmoi, et ça.
Le prénom même de Nemo est loin d'être innocent. Car le spectateur se perd finalement, tout comme le journaliste recueillant ses mots. Mais sans jamais questionner le récit, tant ce que Mr Nobody nous donne à partager ressort finalement plus du conte, d'un rêve d'idéal. D'une vie aussi belle que tragique.
Tragique dans la perte de l'être cher, de la souffrance et des multiples morts guère enviables de son personnage principal. Dans un déchirement familial qu'il ne maîtrise pas. Dans ses larmes et le rejet qu'il subit. Dans cet ennui d'une vie bien rangée et superficielle vécue en accord avec canons les plus communément admis.
Mais plus belle encore dans les sentiments déployés. Dans cet amour absolu, ces moments de complicité et de communion absolue. Quand on retrouve, sous les draps, dans les yeux intensément bleus de l'être aimé l'amour juvénile que l'on éprouve. Dans ces retrouvailles tantôt magiques, tantôt déchirantes, faisant écho à ce que nous avons tous vécu, à cette vie à portée de mains que nous avons pourtant manquée.
Tout est histoire de choix. Ou de non choix. De hasards et de destin aussi. D'effet papillon et de big crunch pour certains. Et alors que le temps se tord et se replie sur lui même au fur et à mesure du récit de ce vieillard attachant, l'aspect profondément méta de l'entreprise se dévoile peu à peu, sans jamais prendre le pas sur l'émotion dont est constamment irrigué Mr Nobody. A coups d'images belles et fragiles, comme ces anges de l'oubli, ou encore des multiples réveils de Nemo après la souffrance et la mort, le spectateur passe d'une ligne de récit à l'autre comme un train qui franchit sans heurt les multiples aiguillages de son parcours. Le tout accompagné d'une bande originale fantastique et savoureuse s'aventurant plus d'une fois du côté de Kubrick dans son utilisation.
Analyser un tel film ne sert finalement pas à grand chose, tant il ne nécessite qu'un abandon bienfaisant et une ouverture sur ses propres souvenirs : les plus doux comme les plus douloureux, sur ses propres occasions manquées. Toute la réussite de Mr Nobody réside ainsi en sa faculté d'entrer en résonance avec la vie de son spectateur et de lui parler au coeur sans imposer sa vision des choses.
Même si quelques petites longueurs émaillent ses derniers mots, Nemo émeut tant dans ses vies fantasmées que dans sa faiblesse, tant dans ce qu'il éprouve que dans sa résilience face à certains de leurs éléments les plus sombres.
Tandis que sa dernière facétie, et les dernières images du film, résonnent encore dans notre esprit, Nemo nous adresse un dernier sourire. Ses vies ont toutes existé, comme chaque choix qu'il aurait fait. Mais ses vies ne sauraient pleinement cohabiter. Imaginations d'un jeune esprit ? D'un écrivain ? D'une personne des plus facétieuse dans ses doux mensonges ? Nemo semble avoir gardé pour lui son véritable récit de vie, pour toujours. Et s'il avait finalement exploré, comme il nous invite à le faire, ce petit chemin de terre au delà de la voie de chemin de fer ayant emporté sa mère, cette troisième voie qui s'offre à chacun de nous ?
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