"C'est le plus beau jour de ma vie"

{SPOILER ALERT} C'est un film qui veut nous perdre pour mieux nous trouver. J'ai aimé ce film pour les messages véhiculés. Bourré de références philosophiques, c'est un film qui m'a poussé à réfléchir sur le sens des choses et j'ai aimé ça. Certes, c'est un film décousu où il faut attendre une bonne dizaine de minutes avant de comprendre où le réalisateur veut nous amener. On peut vite être tenté d'arrêter le visionnage mais ça vaut le coup de s'accrocher car le film nous apporte une vision éclairée de la vie.

Le film ne suit aucune temporalité. C'est un récit non-linéaire où tout est mélangé, comme cela se passe dans notre esprit. Lorsqu'on pense, lorsqu'on réfléchit. Rien n'est très clair dans notre tête. Là on se trouve dans l'esprit, dans les pensées d'un petit garçon de 9 ans, Nemo, qui doit rapidement choisir sur le quai d'un gare avec qui vivre entre sa mère et son père qui se sont séparés. Ce qui nous amène dans la tête d'un ado en pleine rêverie de son voyage dans l'espace. D'une représentation de lui vieux avec le portrait d'une vie futuriste assez bancal. On se retrouve avec une image assez enfantine de la vie. Tout se bouscule dans la tête de notre protagoniste mais tout est très bien amené, entremêlé et ça nous pousse à nous accrocher et à chercher la finalité de tout ce récit. Surtout qu'on finit par s'attacher aux personnages, notamment au duo complice que forment Jared Leto (Nemo) et Diane Kruger (Anna). On veut connaître leur destinée.

Dans ce film, nous sommes face à un véritable "Je pense donc je suis" de Descartes. Nemo commence à exister qu'à partir du moment où il pense à toutes ces vies qu'il pourrait mener. Mais avant tout, Nemo (personne en latin) Nobody (personne en anglais) n'est personne. Il n'a aucune identité car le choix n'est pas encore fait ? Ce sont les choix qui nous définissent, sans ça nous ne sommes rien ? Exemple : Ces scènes avec Nemo où le choix est en suspens et où l'on voit des motifs monochromes (vêtement, literie, mur, ect...), des couleurs neutres (blanc omniprésent) voudraient dire que Nemo est vide, creux, sans propre personnalité à l'intérieur de lui car le choix n'est pas encore fait ? De plus, de la folie née de ce choix impossible à faire pour lui, des craintes en surgissent (ex: sa mère qui ne le reconnaît pas au pas de porte). Ce qui m'amène à ce sujet : le choix. On a du mal à faire des choix de peur de passer à côté de quelque chose. Nos vies se dessinent en fonction de nos choix donc nous craignons de faire de mauvais choix. C'est un fait universel et c'est ce que veut démontrer ce film. Et si j'avais dit ci, et si j'avais fait ça, j'en serais où dans ma vie actuellement ?

En fonction de son choix entre sa mère et son père, plusieurs modes de vie sont possibles pour Nemo, tournant autour de trois femmes. Trois mariages. Trois possibilités de vie complètement opposées. Laquelle choisir ? On remarquera que ces trois femmes représentent le "Ca, moi, surmoi" de Freud.
"Ca" S'il choisit Anna, il vivra une vie remplie de plaisirs, régie par ses pulsions, qui répondra à ses désirs et ses envies, ignorant la morale et défiant les interdits (ex: ils sont comme frère et soeur aux yeux de la société mais ça leur est égal) au travers de leur relation amoureuse tumultueuse qui sera un vrai ascenseur émotionnel pour Nemo.
"Moi" S'il choisit Elise, il mènera une vie à responsabilité, dans le contrôle permanent de ses émotions pour ne pas faillir à ses devoirs : gérer la bipolarité de sa femme, gérer seul ses enfants (ex: les amener à l'école, organiser l'anniversaire de sa fille). Il créera un équilibre entre ses pulsions et sa morale en s'adaptant aux contraintes extérieures.
"Surmoi" S'il choisit Jeanne, il s'engagera dans une vie conventionnelle, à l'écoute des normes de la société : avoir une grande maison avec piscine, deux beaux enfants, une jolie voiture, un job de rêve... Il se construira une vie prévue à l'avance et qu'il pense parfaite en fonction de son éducation, de son vécu et de la pression sociale. Mais quelle vie doit-il mener ? Laquelle sera la meilleure pour lui ? A l'image de nous tous tourmentés par ces trois traits de notre personne.

Mais quelle vie a vraiment vécu Mr.Nobody ? La réponse importe peu finalement. Toutes les vies imaginées se valent. Qu'importe que Nemo soit parti avec sa mère ou son père. Car ce n'est pas le choix qu'on fait qui importe mais le chemin parcouru qui vaut le coup d'être vécu pour toutes les vies que s'imagine le protagoniste (et on ne peut séparer le "ça, moi, surmoi") en sachant que tout ne dépend pas de nous et de nos choix. Il existe aussi des facteurs extérieurs (ex: la bipolarité d'Elise à gérer, la séparation imprévue de la mère de Nemo et du père d'Anna...). Tout ça entre en jeu dans la vie du protagoniste. En plus des destins liés avec l'effet papillon représenté par la feuille morte. Le fameux "Et si ?" Ex: Et si son père n'avait pas glissé sur la feuille, aurait-il rencontré sa mère ? Serait-il né ? Il y a des choses qu'on ne peut pas contrôler, qui nous échappent.

Donc c'est un film philosophique très chargé en référence, notamment sur les questions existentielles (sur le temps, la création de l'univers big-bang...), sur l'acte manqué ("pourquoi j'ai dis ça ?") ect... que ce n'est pas possible de tout déblayer en une critique mais c'est très intéressant à regarder. Basé sur la pire question qu'on peut poser à un enfant. Qui équivaut à "Tu préfères ta mère ou ton père ?" Le choix est impossible et on comprend Nemo quand il a envie de ne faire aucun choix à la fin et de s'en remettre à la feuille morte (destin) pour choisir pour lui (La scène où il souffle sur la feuille qui s'envole vers sa destinée). Ce que nous on a tendance à faire pour éviter de faire un choix : s'en remettre au destin. Puis à la fin, avec la mort de Nemo, où on se demande ce qu'il y a après la mort. On s'attend à une réponse en fixant l'heure mais on se rit de nous avec ce retour en arrière (réaction Nemo). Et si la vie était un éternel recommencement ? ("Toutes les choses reviennent éternellement et nous-même avec elles" - Nietzsche)