Frank Capra livre là une fable politique particulièrement acerbe. Certes, le ton est léger, et l’humour largement présent. Mais « Mr. Smith Goes to Washington » demeure un portrait au vitriol du monde politique américain, qui n’a rien perdu de sa force.
A travers cette intrigue autour d’un sénateur naïf et idéaliste, embourbé dans une sinistre machination, Capra s’attaque en effet à tout un système. Les médias sont au mieux sensationnalistes et opportunistes, au pire à la botte d’hommes d’affaires. Les sénateurs sont au mieux de pompeux politicards, au pire des crapules véreuses. Et les assistants politiques sont désabusés par tout cela ! Le tout traité avec finesse et intelligence. Devant ceci, on ne s’étonne guère que le film fut mal reçu par les politiciens de l’époque, et carrément interdit dans certains pays.
Pourtant, dans cet océan de corruption, surnage le personnage de James Stewart, qui incarne une forme d’espoir. Erudit et idéaliste, il s’émerveille de la simple vision du Capitole, mais encaisse avec difficulté les coups que le système lui porte. Il fera preuve d’une combativité hors normes pour défendre ses valeurs, avec cette fameuse séquence où il parvient à se lancer dans une obstruction mémorable, tenant la parole près de 24 heures (!). Une scène peut-être finalement un peu courte à l’écran, mais qui n’a rien perdu de son impact. Stewart est excellent dans ce rôle noble et attachant, qui lui permettra de décrocher une nomination pour l’Oscar du meilleur acteur, et ainsi de lancer sa carrière.
A ses côtés, on appréciera les seconds rôles, tels que Jean Arthur en assistante parlementaire roublarde, qui va retrouver la foi grâce à notre héros. Et Claude Rains en mentor trompeur et corrompu, que la pureté du protagoniste va secouer.
« Mr. Smith Goes to Washington » est donc une oeuvre de politique fiction très moderne, piquante mais finalement optimiste sur le fonctionnement de la démocratie.