« The Sun is God »
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Difficile épreuve pour un artiste de s’attaquer à la vie d’un des plus grands artistes, qui plus est de son pays. Mike Leigh s’y lance toutefois avec Mr. Turner où il explore les vingt-cinq dernières années de la vie de Joseph Mallord William incarné par un grand Timothy Spall. Nous pénétrons dans la vie privée du peintre, alors relégué à un simple individu dont le métier est de poser de la peinture sur des toiles.
Nous sommes plongé dans le second quart du XIXème siècle, époque où Turner est déjà grandement reconnu de ses contemporains. Le film présente les relations de l’homme avec sa famille, ses proches, la vie à l’Académie et sa rivalité avec, notamment, l'autre grand, Constable, ou encore son regard sur le pré-raphaëlisme naissant.
Dans ce film, Leigh cherche à montrer le Génie créateur de Turner mais aussi jusqu’où le peintre peut aller pour perfectionner son art. Il peint des marines où les navires sont pris dans les vagues tumultueuses, au piège de la Nature forte et destructrice ? Le réalisateur nous montre Turner demandant au capitaine d'un navire de l'attacher au mât en pleine tempête, comme pour que l'artiste comprenne l'essence du cataclysme, les forces du vent et de la mer, la réaction du bateau. Ainsi pour pouvoir mieux retranscrire sur la toile l'agitation de l'eau, le souffle des rafales.
Mais Turner c'est aussi un homme de son temps. Il s'intéresse beaucoup au progrès de la science et de l'industrie. Nous le voyons émerveiller devant de nouvelles machines comme un bateau ou un train à vapeur, qui donneront naissance à deux de ses toiles les plus célèbres. Il cherche aussi à comprendre la couleur et ses secrets, comme le montre ses nombreux dessins préparatoires, d’un point de vue philosophique comme scientifique. Alors Leigh fait observer à son personnage un rayon lumineux à travers un prisme sur la toile.
Mr. Turner c'est aussi une photographie exceptionnelle. Bien souvent nous retrouvons à l’image un filtre jaune rappelant la couleur dominante de ses oeuvres. Le film est également composé d’une multitude d’images où le peintre est au coeur de la Nature, comme nous le voyons dès la scène d’ouverture. Leigh veut ainsi nous montrer d'où provient son Génie artistique. Par une grande sensibilité pour Mère Nature ? Très sûrement. Il adorait se lever aux aurores pour observer le lever de soleil. Ce dernier illuminant les splendides paysages de la Terre, laissant alors libre cours à l'imagination du peintre pour croquer tout ce qu'il voyait dans son carnet. C'est quelque chose que nous retrouvons également chez les Romantiques allemands à la même époque, notamment chez Caspar David Friedrich, où son oeuvre est remplie de mysticisme et de spiritualité. Le film se conclue sur une image rappelant Le Voyageur au-dessus d'une mer de nuages puis sur une dernière phrase prononcée par le peintre sur son lit de mort : "The sun is God". Le Génie de Turner ne peut ainsi se comprendre complètement sans avoir en tête le lien spirituel qu'entretenait l'artiste avec la Nature.
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le 20 sept. 2017
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