Avec son aspect thriller immédiatement séduisant, Mr Wolff emporte son spectateur sans aucune difficulté au coeur de son intrigue. Il doit beaucoup à son rôle principal, à la fois extrêmement banal de par la profession qu'il exerce, que singulier dans sa représentation et dans ses origines. Ben Affleck excelle et rayonne. Sa performance est excellente, donnant vie à un personnage tiraillé entre ses handicaps, ses obsessions, sa différence et ses capacités hors norme.
Mr Wolff tient bon le cap tant qu'il garde ce personnage atypique dans son viseur, en le faisant évoluer dans son enquête comptable ainsi que dans les zones d'ombre de son passé, irriguées par des flash backs d'une jeunesse toute militaire dans sa rigueur et son approche de l'existence. Tandis que ses activités que l'on nous a présentées, menées auprès de grands criminels et trafiquants internationaux, ne lassent pas d'intriguer.
Le spectateur ainsi mis en confiance se rappellera aussi que Gavin O'Connor est derrière la caméra, celui dont il avait certainement découvert Le Prix de la Loyauté en DVD comme une bonne surprise, puis au cinéma, son Warrior, formidable émotion sportive, ou encore son très bon Jane Got a Gun.
Il semble donc se profiler, jusqu'au deux tiers de son dernier effort, une nouvelle réussite à mettre au crédit d'un cinéaste toujours inspiré et impliqué. Las ! Mr Wolff choisit, dans un dernier acte assassin, de laisser de côté le genre thriller sur lequel il est vendu ainsi que toutes les qualités accumulées en se sabordant littéralement. L'enquête patine tout d'abord quelque peu, s'étirant plus que de raison et virant parfois vers l'incohérent. Mais pire que tout, il renie tout ce qui faisait l'intérêt de son personnage, dont O'Connor aurait plutôt gagné à nourrir le mystère sur certains aspects. En effet, Mr Wolff s'échine à presque tout expliquer, sans nuances, des origines de son personnage et de sa vie privée. C'est à dire ce qui est le moins important pour le spectateur. Le film va même jusqu'à aller à l'encontre de la solitude de son faux anti héros, en lui donnant un love interest peu inspiré, même si cela permet de tomber amoureux de la ravissante (et mini) Anna Kendrick...
En revanche, si celui qui a payé sa place comptait découvrir ce qui a amené un simple comptable à voisiner de manière régulière des criminels ou des personnages louches, il en sera finalement pour ses frais et inscrira certainement dans la colonne débit de son esprit critique ce défaut assez handicapant, qui vient parasiter lourdement la très bonne impression que l'on pouvait se faire jusqu'ici.
Ce trop plein d'explications pas super intéressantes contamine jusqu'à certains seconds rôles en s'étalant sur leurs traumas de manière assez dispensable ou encore en cassant le mystère d'une simple voix à l'autre bout du fil, dans un soupir que le spectateur ne manquera pas de pousser. Si Gavin O'Connor tente de se rattraper en livrant comme apothéose de son spectacle un assaut assez agréable à suivre, il le désamorce en tirant cette fois-ci vers une mort digne d'une série humoristique, et, surtout, la simplicité d'une réunion familiale qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
C'est sur ce dernier aspect que Gavin O'Connor se montre le plus déceptif, lui qui avait traité cette thématique de manière bien plus fine dans Le Prix de la Loyauté, mais surtout dans le magnifique Warrior, irrigué d'une émotion touchante dans la vérité de ses relations. Dans Mr Wolff, au contraire, ce sujet apparaît comme une bouée de sauvetage de dernière minute, le réalisateur utilisant son fétiche alors qu'il semble manquer de matière pour terminer son film. Rageant.
Tout cela empêche Mr Wolff de prétendre au statut de bon film qu'il pouvait revendiquer alors que son intrigue aux aspects thriller psychologique se développait. Il sera seulement une oeuvre de consommation courante et surtout, une incroyable occasion manquée pour son réalisateur de s'illustrer dans le genre. Dommage...
Behind_the_Mask, qui se rend compte qu'il y a un loup dans sa compta.