Munich en 1972, c'est la prise d'otages tragique de sportifs israéliens pendant les Jeux Olympiques. Le film de Steven Spielberg retrace l'opération secrète "Colère de Dieu" que lance le gouvernement israélien pour que les crimes du groupe terroriste "Septembre noir" ne restent pas impunis.
Le film est, en grande partie, une œuvre d'imagination tirée de différents documents dont on ne sait finalement peu de choses sinon que probablement, sous la pression du public israélien en 1972, Golda Meir a validé une opération tout en en reconnaissant le risque politique ; "toute civilisation est amenée à transiger avec ses propres valeurs dans des circonstances extrêmes ".
Au-delà de cet aspect historique assez nébuleux, le film est intéressant sous deux aspects : c'est d'abord un film d'espionnage avec la constitution d'un commando qui va œuvrer en Europe principalement pour abattre des palestiniens considérés comme impliqués dans l'attentat. Mais c'est aussi et surtout le récit de la vie d'un commando constitué de personnes issues de la sphère publique, juive et internationale, recrutées en fonction de leurs compétences particulières et de leurs convictions patriotiques. Ce qui n'empêche pas leur humanité de s'exprimer parfois douloureusement.
Le film d'espionnage : la traque des terroristes est traitée de main de maître par Spielberg dans la mise en scène efficace et violente des différentes actions souterraines. Une des scènes les plus intenses est l'opération qui consiste à piéger un téléphone mais le déroulé de l'opération doit être interrompu in extremis par le retour de la petite fille à l'appartement. D'ailleurs, cette scène me semble être un invariant chez Spielberg qui utilise l'image de la petite fille innocente "en danger" dans plusieurs films comme "la liste de Schindler" ou encore "Il faut sauver le soldat Ryan".
Pour rester dans la logique du fim d'espionnage, il y a même la belle amazone (Marie-Josée Croze) qui se révèle être une redoutable terroriste néerlandaise à la solde d'on ne sait trop qui.
Intéressant aussi, le système d'information du commando alimenté par un étrange groupuscule souterrain mené par le patriarche Louis (excellent et inquiétant Michael Lonsdale, à la fois sage et ambigu) d'une grande famille qui semble vivre en complète autarcie, hors du monde. Au service (bien rémunéré) de personne et de tout le monde.
L'autre aspect du film, c'est l'individualité des membres du commando. Solidaires parce qu'unifiés par l'objectif patriotique. Ils présentent chacun un profil différent. Ils ne cessent de s'interroger sur la pertinence de l'action, sur les risques de victimes collatérales. En bref sur la moralité de la mission. Celui qui l'exprime le plus douloureusement, c'est l'artificier du groupe joué par un émouvant et profond Matthieu Kassowitz. "Se venger n'est pas juif", "tuer n'est pas juif" dit-il en boucle, effrayé par ses propres machines. Quant à Avner (Eric Bana), le chef du commando, parviendra-t-il à surmonter ses traumatismes et à retrouver une vie normale ? Se pose la question inévitable des actions terroristes sans fin, des représailles inévitables après chacune des opérations en lien ou non avec les exécutions.
Spoiler : Une image très symbolique à la fin (on est en 1980 environ mais le tournage a lieu en 2005 …) où Avner et Ephraïm se quittent à New-York. La caméra en plongée s'éloigne peu à peu de la scène découvrant, entre eux deux, au loin, les twin towers du World Trade Center (encore debout ...) révélant un combat contre le terrorisme sans fin, sans espoir de vaincre.
En contre-point du film, Spielberg semble aussi s'interroger sur la légitimité de la méthode employée pour répondre à l'attentat de Munich en faisant allusion au procès Eichmann qui s'est fait dans le cadre d'un Etat de droit. N'y a-t-il pas problème à ravaler le commando de "justes" au même niveau que les personnes pourchassées ?
C'est un film sombre que nous livre Steven Spielberg mais très riche sur ces problèmes de légitimité d'action, de règlement de comptes. Bref de l'utilité sur le long terme de ces actions souterraines.
Mais si on se contente de ne regarder que le film d'action, on a affaire à un superbe film d'espionnage très bien mis en scène, très bien joué et au suspense haletant.