Mustang s’ouvre sur une scène claire comme le rire des enfants : cinq sœurs, sur le retour de l’école, jouent un moment dans l’eau avec les garçons du village. Cette lumineuse séquence de bonheur simple raconte l’innocence de l’enfance avec tendresse. Un moment suspendu. Jusqu’à la brutale réalité du conservatisme des campagnes : les rumeurs bruissent dans le village, et l’oncle décide de protéger ses trésors pour les marier au plus vite.
L’été commence et les sœurs sont cloîtrées derrière des barreaux.
C’est filmé à l’épaule, c’est monté sur un rythme vivant, l’image célèbre la liberté. Les mouvements de la vie contrastent alors avec cette maison qui leur tient lieu de prison, et disent le courage, l’espoir et l’insoumission silencieuse des jeunes filles qui rêvent d’évasions.
Il y a dans le scénario
une violence des traditions et un déni de communication
qui marquent. Pourtant Deniz Gamze Ergüven filme ses personnages avec douceur, même les plus indéfendables, et avec une certaine pudeur la réalisatrice laisse l’indicible hors champ, à portée de l’imaginaire. Occulte ce que les jeunes filles elles-mêmes préfèreraient taire.
Le premier long de la jeune réalisatrice franco-turque impressionne par la puissance de son propos tout autant que par cette douceur narrative. Mustang crie l’insoumission à un traditionalisme rétrograde, crie les rêves de liberté des femmes du Moyen-Orient.
Un premier film sauvage pour résister.
Matthieu Marsan-Bacheré