Mustang : un très bel hymne à la liberté


Les cadres serrés, souvent la caméra au poing, rendent toute son intensité à ce film, qui a reçu pas moins de quatre César cette année.



Mustang retrace le parcours de cinq sœurs orphelines de leurs deux parents, élevées par leur grand-mère dans un petit village du nord de la Turquie. Quelques instants de liberté volés leur coûteront leur émancipation totale. Blâmées d’avoir été trop proches de garçons du village en jouant dans l’eau, elles subissent les foudres de leur oncle Erol qui, petit à petit, les enferment et les marient de force. Elles chercheront, par tous les moyens, à désobéir à cette autorité excessive, les privant de leur jeunesse. Mais, pour s’en sortir, les issues qui se présenteront à elles seront pour le moins radicales.


Ce film est un véritable hymne à la liberté des femmes dans les pays du Moyen-Orient. Il nous dresse le portrait de jeunes femmes de la nouvelle génération constamment partagées dans leurs influences, entre un mode de vie occidental auquel elles ont en partie accès et les us et coutumes traditionnels dont elles ne doivent pas trop s’éloigner. Ces cinq sœurs incarnent, de fait, avec puissance toutes les contradictions de la société turque, rattrapée par le monde moderne, mais encore archaïque dans les mentalités. On y perçoit très nettement le fossé qui s’est creusé d’une génération à l’autre : les jeunes femmes se destinent, comme leurs aînées, à une vie toute tracée, mais sont moins prompts à accepter cette situation qui échappe totalement à leur libre-arbitre.


La psychologie des personnages est, à ce niveau-là, particulièrement intéressante : la pression sociale exacerbe chez elles des comportements totalement à contre-courant. Insouciantes, fougueuses, dévergondées, presque lascives par moment, elles mettent une énergie folle à vivre chaque instant comme s’il s’agissait du dernier. Le jeu d’acteurs est d’une grande justesse, en particulier celui de Ilayda Akdogan, interprétant le personnage de Sonay, l’aînée des cinq sœurs, et celui de Gunes Sensoy, qui joue Lale, la benjamine. Ces deux sœurs se démarquent par leur aplomb : elles affirment leur indépendance, n’ont pas peur de s’opposer, de résister et entraînent les autres avec elles. Sonay et Lale fonctionnent comme de véritables symboles dans ce film : à elles toutes seules, elles portent le message que cherchent à transmettre le réalisateur. Sonay, plus individualiste, tirera son épingle du jeu toute seule en obligeant sa grand-mère à la marier à celui qu’elle aime. Quant à Lale, témoin tour à tour du triste sort de ses sœurs, elle profitera de son jeune âge pour élaborer un plan d’évasion, tentant de convaincre les autres d’entrer dans la combine.


Les cadres serrés, souvent la caméra au poing, rendent toute son intensité à ce film germano-franco-turc, qui a reçu pas moins de quatre Césars au cours de la récente 41ème cérémonie. Mustang s’est, en effet, vu couronner des prix du Meilleur scénario original, du Meilleur premier film, de la Meilleure musique et du Meilleur montage. Il faut dire que c’est bien mérité ! La réalisation du film met au centre les personnages, rendant palpables leurs émotions tout en conservant une part de mystère. Les plans très intrusifs, dans le même veine qu’Abdellatif Kechiche dans La Vie d’Adèle, captent l’attention du spectateur du début à la fin, attentif aux détails scénaristiques qui donneraient des clés supplémentaires de compréhension. On assiste à un cinéma de la suggestion, comme c’est souvent le cas des films de cette région du monde. On retrouve notamment une empreinte similaire à celle si singulière du réalisateur iranien Asghar Farhadi (Une séparation, Le Passé). En effet, certaines scènes sont tournées avec beaucoup de pudeur, révélant alors les tabous de ces civilisations. Si bien que l’on n’est pas sûr de ce que l’on croit avoir vu ou compris.


Mustang est donc à considérer comme l’un des films symboles du cinéma oriental libre, témoignant de phénomènes de société avec ce regard interne qui se veut à la fois neutre et critique. Un film parfaitement dans l’ère du temps qui se regarde en VO très facilement.


Sarah

Créée

le 10 mars 2016

Critique lue 279 fois

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