Duncan Jones, fils de onsenfoutefaittoiunnompetit, subit à l'heure actuelle le syndrôme du premier film synthétisant toutes les ambitions de l'artiste qui sommeillait en lui. Son premier film donc, Moon (titre aussi simple que Mute, composé de quatre lettres aussi, mais on reviendra sur l'analogie) était visuellement magnifique, porté par une direction artistique sobre mais inspiré, avec un Sam Rockwell de gala, un propos fort, une belle fin, enfin bref, une réussite (avec des défauts légers de rythme, certes). Un film d'un passionné sincère qui a réussi à mélanger ses inspirations (Kubirck, Tarkowski) pour projeter ses idées à lui.
Aussi tôt, (auto?)proclamé nouveau génie de la SF, le cher Duncan Jones s'est essayé au thriller sophistiqué avec Source Code (moyennement apprécié pour ma part, mais le public et la critique ont été présents) et au film de commande warcraftien (pour le meilleur sisi, et pour le pire, eh oui..).
Ce quatrième film, porté par désormais l'énorme égo de notre nouveau petit génie (cqfd) et profitant de la vague du chef d'oeuvre de Villeneuve (BR 2049), se noit sous les caprices artistiques de son auteur. Doublement ambitieux, le film se veut dans le forme comme un héritage de Blade Runner ainsi que le deuxième métrage d'un "moon cinematic universe" sur le fond. Et se plante dans ses cas.
Au premier point, donc la direction artistique, on peut le dire il y a boire et à manger. Certes, délocaliser l'action en Europe et principalement à Berlin est une intention louable. Le soucis, est qu'une fois avoir dit que c'était en Allemagne et faire parler allemand certains personnages, cela n'apporte rien de particulier. Pour ma part, connaissant un peu la ville, reprendre certains décors naturels de la ville et les adapter au monde de SF était largement faisable plutot que d'inventer des décors qui font BR du pauvre. Même le film Ares, se déroulant dans un Paris rongé par le fric, la drogue, le sexe, arrivait à adapter les décors naturels de la ville à la dystopie...
De plus, faire son film comme une suite de Moon n'apporte, en plus, pas grand chose à part un clin d'oeil sympa. Autant l'assumer et en faire une véritable trame. Au final, les intentions du film sont là, mais ne vont jamais loin. Preuve générale? Pourquoi un hamish muet en tant que héros principal ? Son mutisme est factuel, et son rapport à la tradition est trop frontale pour apporter un véritable sens au métrage.
Et pourtant, malgré tout ces défauts, j'ai apprécié de ce film. Ou plutot, j'apprécie Jones. Comme ces personnages de film, il a du coeur. Dur de ne pas voir l'analogie entre ces personnages dépeints, tous rongés par le mal (physique, mental, coeur) qui se sentent juste perdus dans leurs univers respectifs et qui cherchent un sens à leur existence. Surtout, les acteurs se donnent à fond. Si Skarsgard a un belle gueule de chien battu rongé par son autisme, le duo de fils de pu** formé par Rudd (habité) et Theroux est profondément attachant, malgré toute la crasse que ces personnages portent.
Jones est un passionné de cinéma. Il aime ça, il donne ses tripes et son âme dans un métrage mais il se plante. A aucun moment, ces films sont gratuits. Preuve qu'il en est, son film est dédié à son père et à sa nourrice décédés il y a peu de temps.
Je laisse une dernière chance à Jones, l'enfer est bavé de bonnes intentions, il est encore au purgatoire.