Parlons bien, parlons au conditionnel. My Beautiful Boy était un film plein de promesses. Il se devait d'allier émotion, qualité d'écriture, de réalisation le tout servit par un casting talentueux: Steve Carell et Timothée Chalamet. Ce duo aussitôt formé devait être au service du talent unanime du plus belge des réalisateurs américains : Felix van Groeningen, auteur et réalisateur émérite du très grand Alabama Monroe (2012). Malheureusement, le rendu final peine à séduire, la mayonnaise ne prend pas, on subit plus que l'on apprécie... Mais que s'est-il passé que pour la promesse My Beautiful Boy soit si insipide et ennuyante ?


On est pourtant séduit par le parti pris du film, on est pris d'envie de suivre ce papa désœuvré face à la détresse de son fils, on veut prendre part à cette lutte (et ce n'est pas l’œil humide de Timothée Chalamet qui nous fera changer d'avis). Problème, My Beautiful Boy détruit tout ce qu'il entreprend ! Tout est fait pour que la narration se conte à travers les yeux et les pensées du père, même le titre du film est impliqué dans cette démarche "my beautiful boy", mais au bout d'une petite demi-heure, la narration retourne sa veste et laisse papa de coté (mais pas trop non plus) pour suivre le fils. Kesako? Nous aurait-on menti ? Ou bien rencontrons-nous un petit souci de dosage narratif ? On comprend bien l'envie et la nécessité de s'intéresser au fils, mais dommage que cela soit fait au détriment du but premier du film : raconter cette histoire à travers les yeux du père ...



Tel père, tel fils



Tout démarrait pourtant bien. Dans un premier quart d'heure intéressant (quoi qu'un peu longué), Félix Van Groeningen braque sa caméra sur David Sheff (Steve Carell) un père de famille désœuvré face à l'addiction incontrôlable et destructrice de son fils Nicolas (Timothée Chalamet). Moult fois brassée par des centaines de films, l**'addiction à la drogue est un thème chéri du cinéma**, toute la problématique était donc de savoir comment trouver, porter et réussir à projeter un regard novateur sur ce grand thème de cinéma ! Pour se démarquer, Groeningen place le point de vue de son film du côté du père. La narration est introduite à travers la figure paternelle, c'est à travers lui que l'on découvre le personnage du fils. Dans un jeu de flash-back un peu hasardeux et maladroit, on découvre David enfant, puis adolescent avant de le découvrir dans son état présent : un jeune adulte à l'aube de son départ du domicile familial. Ces flash-back furtifs nous exposent la relation fusionnelle du père et du fils qui se base sur leurs deux passions communes : Nirvana et le surf. (débrouillez-vous avec ça). Au-delà de ces passions communes, père et fils sont unis par les épreuves du passé (le divorce). Épreuve vite balayée par un dénouement heureux : le père se remarie et offre à David des frères et sœurs, une vie à la campagne et une belle mère qui peint des troncs d'arbres (au risque d'être quelque peu cyniques, nous ne commenterons pas cet élément scénaristique ô combien indispensable au bon déroulement de l'intrigue ...).



"C’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut le sauver. L’amour a
rien à voir là-dedans, malheureusement".



Malgré l'amour inconditionnel de son père, David est un garçon qui subit la vie et ne trouve pas le bonheur dans l'environnement qui lui est offert (la peinture sur tronc à t-elle quelque chose à voir là-dedans? Peut-être.). Les raisons de sa consommation de drogues sont d'ailleurs bien vagues... Que cela ne tienne, au diable le pourquoi et le comment, le film trouve vite son rythme de croisière : David sombre dans la drogue, son père se dévoue corps et âmes pour sauver son fils, David guérit, trouve le salut, avance et rechute. Acte 2, David sombre dans la drogue, son père se dévoue corps et âmes pour sauver son fils, David guérit, trouve le salut, avance et rechute. Acte 3, David sombre dans la drogue, son père se dévoue corps et âmes pour sauver son fils, David guérit, trouve le salut, avance et rechute. Acte 4, David sombre dans la drogue, son père se dévoue corps et âmes pour sauver son fils, David guérit, trouve le salut, avance et rechute


et fait une tentative de suicide


C'est lassant et quelque peu ennuyant ne trouvez-vous pas ?



La drogue, c'est mal



Plus que la qualité, c'est l'ennui qui domine My Beautiful Boy. Le processus de répétition scénaristique rend bien compte du chemin interminable et sinueux que les individus et leurs proches rencontrent dans le chemin de la guérison. Que Félix Van Groenigen se rassure, le spectateur reçoit bien le message. D'ailleurs, au cas où quelques esprits distraits ne comprendraient pas, les nombreuses séquences où Timothée Chalamet roule la mèche au vent sur des routes sinueuses viendront vous coller la métaphore du chemin de vie compliqué en pleine poire. C'est peut-être là qu'on touche au plus gros problème de My Beautiful Boy. Félix Van Groenigen apporte plus de soin à la compréhension du film qu'à son rythme. Le soin apporté à la compréhension du message est tellement important que le reste passe à la trappe. Le spectateur reste sur le bord de la route et regarde le film passer avec un détachement complet ! On peine à comprendre pourquoi on nous raconte cette histoire, on peine à s'attacher aux personnages. Le réalisateur pose un regard très neutre sur l'histoire qu'il raconte et ne porte aucun avis critique sur les actes de ses personnages. Problème, qui dit neutralité dit ennui... Résultat? On s'en fou pas mal de savoir ce qui va arriver à David, qu'il soit heureux, malheureux, sobre ou au fond du trou : on s'en balance... la lassitude est tellement grande qu'on en vient même à lui souhaiter un destin funeste pour que le film dure moins longtemps... !


Pire encore, au bout de 1h30 (interminables) de film, on exalte lorsque le père, décide enfin de lâcher la main de son fils, car persuadé qu'il ne pourra jamais guérir... A-lle-lu-ia


Cette neutralité rend l'ensemble du film insipide et ne positionne l'oeuvre ni dans une démarche "documentaire" ni dans une fiction immersive. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir eu envie d'aimer ce film. Acteurs et réalisateur semblent se donner un mal fou pour rendre l'ensemble cohérent et intéressant, même Chalamet, principal argument marketing se donne un mal fou pour faire vivre le film. En vain.



Un bon spot de prévention de 2h



Au final, My Beautiful Boy ressemble plus à un spot de prévention de bonne facture qu'a une réelle démarche cinématographique intéressante... À défaut d'avoir eu un lien étroit avec le monde de la drogue ou d'avoir un proche touché par le fléau, il y a de fortes chances que My Beautiful Boy vous semble parfaitement quelconque ! Votre indifférence face au film atteindra d'ailleurs son paroxysme lors du générique final. La mention "inspirée d'une histoire vraie" vient conclure deux longues de vide, auxquelles succèdent quelques encarts écrits, pleins de bonne volonté et remplis de chiffres clés afin d'appuyer le message sacré du film : la drogue, c'est mal !

pollly
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le 11 févr. 2019

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