Le film est l'adaptation de la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw, écrite en 1912 et qui était une intéressante satire des préjugés de classes sociales ; Shaw traduisait ainsi une entreprise de mise en accusation du conformisme social britannique encore en vigueur au début du 20ème siècle. La pièce fut ensuite une comédie musicale de Alan Jay Lerner et Frederick Loewe qui triompha à Broadway en 1956, en restant plus de 6 ans à l'affiche, et que jouaient Rex Harrison et Julie Andrews.
Dans cette adaptation cinématographique où la Warner souhaitait faire concurrence à la MGM, réputée pour ses "musical comedy" de prestige (Hermès Pan qui avait travaillé longtemps à la firme du lion, y règle ici la chorégraphie), Rex Harrison reprit son rôle de Pr Higgins, tandis que Audrey Hepburn succédait à Julie Andrews ; faire jouer une poissarde des bas quartiers de Londres par la délicate petite brunette Audrey si classe, semblait être un risque dont elle se tira magnifiquement.
My Fair Lady est aussi un film somptueux, une éblouissante reconstitution de l'Angleterre du début de siècle dans laquelle se mêlent le goût de George Cukor et le soin décoratif de Cecil Beaton, responsable à la fois des costumes et de la supervision artistique ; décorateur virtuose et intransigeant, son style éclate dans la scène d'Ascot avec ses robes extraordinaires et son luxe d'apparat. Le film souffre un peu de ce gigantisme décoratif voulu par Jack Warner, étouffant quelque peu les scènes à deux personnages. Cukor quant à lui, s'est concentré sur les acteurs et sur les numéros chantés, où Harrison et Hepburn trouvent des rôles à la mesure de leur talent. L'épanouissement de la femme trouve là sa pleine dimension, même si le film musical vivait là ses derniers feux. C'est loin d'être l'un de mes "musicals" préférés, et j'avoue que les chansons ont parfois tendance à m'énerver, mais le spectaculaire s'allie au romanesque, et le drame à la comédie de moeurs. C'est l'un des meilleurs rôles d'Audrey Hepburn qui y est délicieuse de grâce et de piquant, même si elle est doublée pour le chant.