My fair lady est adapté de la comédie musicale éponyme de Broadway, elle-même inspirée de la pièce de théâtre intitulée Pygmalion du dramaturge anglais George Bernard Shaw, qui vise à critiquer la respectabilité des classes moyennes. Pygmalion représente le théâtre anglais dans toute sa splendeur et My Fair Lady reprend avec succès tous les éléments qui font son identité : on s'émeut, on rit et on s'insurge devant l'histoire d'Eliza Doolittle.
Eliza (Audrey Hepburn) est une jeune fleuriste londonienne sans le sou, qui est tirée de sa condition sociale par le professeur Henry Higgins (Rex Harrison), un expert en sciences linguistiques et fier de son éducation. Le professeur Higgins sera son pygmalion et va s'amuser à faire d'elle une princesse. Durant son éducation, la noblesse de cœur de la jeune femme se montre au grand jour, tandis qu'elle découvre le côté froid et cruel de l'homme aristocrate de la haute société anglaise.
Tout d'abord, on serait en droit de reprocher beaucoup de choses à l'interprétation d'Audrey Hepburn, dans le rôle d'Eliza. Elle ne semble pas être très à l'aise dans les premières scènes du film. Elle n’est pas très crédible lorsqu'elle doit se montrer sale, repoussante et vulgaire. Et surtout, elle en fait des tonnes avec son terrible accent "cockney" (l'argot de la classe ouvrière londonienne). Mais passé ce démarrage difficile, très vite elle incarne Eliza dans toute sa splendeur et brille de mille feux comme à son habitude. Elle apporte sa vulnérabilité et sa "propre étincelle de feu divin" (pour citer le professeur Henry Higgins) au rôle, s'y ajoute ensuite son charme doux et naïf. Elle peut même se montrer gentiment mesquine et très gamine, comme dans la chanson "Just You Wait", ce qui prouve l'étendue de son talent et sa large palette de jeu. Il suffit de regarder l’expression faciale d’Eliza lors de la scène de course à Ascot, quand elle réalise qu’elle a l’occasion de démontrer sa nouvelle maîtrise de la langue anglaise, elle est à la fois drôle et terriblement attendrissante.
J'ai tout de même un immense regret, ne pas voir Audrey Hepburn interpréter elle-même les chansons. Après avoir suivi une formation vocale approfondie pour le rôle, elle découvre que toutes les chansons seront doublées par Marni Nixon (elle double également Natalie Wood dans West Side Story). Il reste encore des traces de sa performance, les pistes audio où elle chante ont été retrouvées lorsque que la Warner Bros a entreprit de restaurer le film. Honnêtement, Audrey s'en sort haut la main et c'est vraiment dommage de ne pas les avoir gardées pour le film. J'espère qu'un jour les dirigeants de la Warner Bros proposeront un nouveau montage avec la voix d'Audrey Hepburn pour les chansons aussi.
Quant à Rex Harrison, il EST le professeur Henry Higgins. À bien des égards, Higgins a une personnalité retorse : grossier, snob, impatient et même misogyne. Mais d’une manière ou d’une autre, Rex Harrison réussit à donner de l'empathie au professeur, sans trahir l'identité profonde du personnage. Quant à la romance, le final avec sa chanson "I’ve Grown Accustomed to Her Face" est une ode aux sentiments amoureux. Dans l’ensemble, My Fair Lady est très romantique, mais pas très sentimental. Il a juste ce qu'il faut de romantique pour être prenant, sans jamais tomber dans le trop niais. Le mot "amour" n'est d'ailleurs jamais prononcé durant tout le film et ils n'échangent aucun baiser.
Alors que Rex Harrison parle (plutôt que chante) pendant ses chansons, souvent en commentant ses sentiments et ses impressions, et alors que Marni Nixon posait sa voix sur les chansons d'Audrey Hepburn, le seul membre de la distribution qui a réellement chanté sur ses chansons, c'est Stanley Holloway. Et pour cause, c'est lui qui jouait le père d'Eliza à Broadway et il reprend son rôle ici. Stanley Holloway est né pour le rôle. Portant une casquette sale et alcoolisé ou en smoking élégant pour son propre mariage, il vole la vedette à tout le monde avec ses deux numéros musicaux emblématiques. Il n'a que deux chansons a interpréter et ce sont les plus mémorables.
Malheureusement, toutes les chansons du film ne sont pas aussi mémorables que les deux interprétées par Stanley Holloway et pour moi une comédie musicale n’est jamais meilleure que sa musique. Vu les presque trois heures du film, quelques-uns des morceaux musicaux mineurs auraient pu être éliminés sans perdre l’essentiel de l’histoire. Le film se traine en longueur avec des dialogues qui semblent se répéter à l'infini, au point où ça en devient fatigant. Eliza se sent utilisée et maltraitée, alors que le professeur Henry Higgins tombe lentement amoureux d’elle. C'est bon j'avais compris, pas besoin de nous enfoncer ça dans la tête plus que nécessaire.
J’ai aussi eu du mal avec la fin. Alors que le professeur Henry Higgins interprète parfaitement "I’ve Grown Accustomed to Her Face" et réalise soudainement à quel point il était devenu émotionnellement attaché à Eliza ... mais quelle est la morale de tout ça, au juste ? Le professeur Henry Higgins est-il toujours le même, égoïste et arrogant, comme il l'a toujours été ? Le film n’aurait-il pas dû se terminer avec une Eliza beaucoup plus sûre d'elle et prenant son destin en main, loin du professeur Henry Higgins ? Jusqu’à la fin, Henry et Eliza n’entrent jamais dans une relation physique et je suppose que c’est cohérent avec la pièce de Broadway. Je peux l’accepter, mais qu'aura appris le professeur Henry Higgins au cours de ces presque trois heures du film? Apparemment, pas grand-chose ... il est fidèle à son personnage de "sac à malices", de la première à la dernière minute du film.