J’ai pensé aussi à la chanson de The Temptations, & pour cause, malgré que le film date de 1991, on est en 1972. Pourquoi ? Par nostalgie pour des sitcoms que les personnages regardent à la télé & qui pourraient revendiquer aussi bien l’ambiance que les décors intérieurs du film ? Ou bien parce que cela donne de la profondeur aux personnages enfants que de prétendre à une sorte de flashback ?
Ce n’est peut-être ni l’un ni l’autre, car le film paraît, pour commencer, plutôt avoir été réalisé en 1972 qu’en 1991. Le kitsch est built-in : ce n’est pas un ingrédient, c’est le moule, & ça le rend drôlement acceptable. Pourtant, il joue avec le feu : faire une comédie familiale datée avec des enfants acteurs, c’était donner du lard aux cochons – comprendre : donner du cinéma de small town aux habitants des small towns. Edward aux mains d’argent n’avait eu qu’un an pour casser l’idée qu’un tel film pouvait avoir une audience différente des sitcoms, & la culmination de Jumanji dans le genre devrait attendre quatre ans – les points communs de ce dernier avec My Girl sont légion.
Par touches, c’est ce qu’est My Girl : du kitsch, une audace qu’on a celle de mettre entre des mains inexpertes pour un résultat qui camoufle sa fadeur avec de la pétillance. Mais pour d’autres touches, c’est le film qui révèle Anna Chlumsky, une actrice bien trouvée qui mérite bien d’avoir la chanson de The Temptations pour elle. C’est aussi un film où Dan Aykroyd sait passer de son apparence & de ses habitudes vieux-jeu à l’affection d’un père complet, ni largué ni au fait de la révolution sexuelle. Enfin, c’est un rôle d’influence pour Jamie Lee Curtis à qui l’on doit d’avoir sauvé la face psychologique d’un scénario qui aimait un peu trop presser la crédibilité de l’enfance au cinéma.
Acculés dans leurs difficultés, les personnages donnent le meilleur. Cela ne donne pas la force au film d’assumer des thèmes graves comme la mort, qui fait un peu flop (en même temps, l’histoire se passe dans un salon funéraire, & ce n’est pas quelque chose qu’on peut prendre à la légère pendant une heure trente si l’on veut finir en émotion), mais il ne faut pas sous-estimer ce faux Walt Disney qui sélectionne avec soin les clichés qu’il prend à contrepied ; c’est insuffisant pour lui donner autant de charme qu’un Ça plane les filles (semi-révélation de Jodie Foster), mais ça le place dans un ambigu louable.
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