My Joy, celle que s’inventent les Russes pour se tirer d’une vie d’ennui. Pas de mystère là-dedans : une belle allégorie bien photographiée, axée autour de la prestance sans faille de Viktor Nemets, le Russe qui s’appelle « allemand ». Mais le mystère survient vite : surgissant de la lenteur slave, il commence par s’enrouler autour des flash-backs comme la fumée de cigarette autour d’un manteau.
L’allégorie devient cryptique, l’œuvre bascule si pernicieusement qu’on a l’impression de s’être endormi, mais non : on a basculé dans la poésie noire d’une critique sociétale elliptique qui a cessé de traiter le laid pour traiter de par lui, toujours solide dans son atmosphère, mais suffocante. Une rupture qui, si tant est qu’on arrive à suivre, ne s’explique d’ailleurs pas.
On commence à se rendre compte qu’il n’y a pas besoin d’histoire : ce qui se met à compter, c’est le va-et-vient d’une époque à l’autre, puis d’une image à l’autre, lesquelles n’ont pas besoin d’avoir vraiment du sens. On apprend à abhorrer cet ennui visqueux qui se forme depuis un lac sans vie, stoïque, scabreux, privé bien vite de la beauté de plans qui deviennent longs et techniques plus que jolis. Lenteur et ennui à l’infini.
Les gens qu’on voit partout, cette population si éparse que le recensement lui est inconnu, deviennent les faux semblants d’un plaisir perdu. S’exprimer dans l’art contre une existence que l’on méprise, c’est respectable. Mais il faut exorciser le démon avant, ou bien le spectateur en subit lui-même l’ire entière.
Quantième Art