Le point de départ du film est une chanson du duo japonais Humbert Humbert, d’inspiration nobakovienne et lolitaesque. L’intention est plus mélancolique que sulfureuse puisque leur chanson « My sunshine » (Mon soleil -2014) aborde le sujet délicat des sentiments dans l’enfance. Il est si compliqué de les capturer pour les déclarer, qu’on en bégaie. À l’image du fragile Takuya, subjugué par la gracieuse Sakura patinant au Clair de Lune de Debussy. Il passe son temps à l’imiter dans une patinoire nimbée d’un soleil d’hiver irisé. L’entraîneur de Sakura, Arakawa, a remarqué ce garçon davantage concerné par les mouvements artistiques de la jeune patineuse que par ses entraînements de hockey. Il lui offre sa paire de patins d’autrefois et tout s’enchaîne. Bientôt, il est question d’une compétition qu’ensemble, Takuya et Sakura pourraient remporter. Un tremplin. Mais la jeune fille est individualiste et influencée par une mère castratrice et dominatrice, qui n’approuve pas l’idée. Par ailleurs l’amertume gagne la jeune fille : Arakawa semble privilégier Takuya. Lorsqu’elle découvre que l’entraîneur est homosexuel, c’est le choc. Orgueilleuse et jalouse, Takuya fomente une vindicte aux conséquences dévastatrices.
Le film est lent, indolent. Parfois figé comme le sont les paysages immaculés de l’île d’Hokkaido enneigée, où le soleil ne disparaît jamais. Le décor, la photographie sont somptueux. Le film taiseux. Le réalisateur (27 ans), Hiroshi Okuyama filme à la Lelouch : il n’a pas donné le scénario aux protagonistes (qui ne sont pas acteurs mais patineurs) ; il leur soufflait les répliques au dernier moment, pariant sur l’improvisation et l’authenticité de leurs émotions. Qui se vivent en direct, avec discrétion.
L’ensemble est d’une sensibilité touchante, d’une poésie fraîche et friable comme l’intuition enfantine. On les suit s’embarquer sur le chemin de la vie et mûrir, les enfants autant que leur entraîneur, tantôt victimes, bourreaux, sauveurs, tout en écoutant avec plaisir la bande-son de leur évolution, impressionniste (Debussy), pop-folk (Humbert Humbert). Un film touché par la grâce, qui convoque une ressouvenance remplie de cette humanité pure, si sincère qu’elle prend au dépourvu. Plus qu’un film, un antidote au harcèlement scolaire et à l’esprit de compétition.