Grand admirateur de Mylène Farmer et de son univers aussi singulier que sa carrière dans le paysage musical francophone, c’est avec joie que je suis allé visionner le film de la tournée Nevermore diffusé au cinéma en projection unique ce jeudi 7 novembre 2024. Et franchement, cela valait le coup. Déjà parce que voir un film au cinéma ce n’est pas pareil que devant un écran plus petit et en solo. Aussi parce que cette série de concerts, la plus grande tournée des stades d’une artiste en France, valait vraiment le détour. Ne serait-ce que de par les chansons interprétées par Mylène (toujours accompagnée de musiciens et danseurs bien sûr) et par les mises en scène magistrales. Oui il faut parler de "mises en scène" au pluriel tant les tableaux sont variés et travaillés, tout en demeurant dans un esprit cohérent.
Le premier d’entre-eux est évidemment l’introduction du spectacle, avant que l’artiste n’arrive. Cela laisse le temps de se familiariser avec le décors, au religieux gothique et aux inquiétants épouvantails chacun surmonté d’un grand crâne de corbeau rappelant le clip de sa chanson « Fuck them all ». Ces thématiques du gothique et du corbeau seront présentes tout le long du spectacle, à commencer par l’animation proposée par l’écran géant du stade de Lyon durant le prologue : une nuée de corbeaux, qui viennent tour à tour se cogner à l’écran. Ils deviennent si nombreux à se heurter qu’ils donnent l’impression de donner naissance à Mylène Farmer qui apparaît sur scène depuis le sol – une apparition provoquant logiquement l’extase du public.
La musique se fait alors enjouée et l’artiste entonne le titre d’ouverture « Du temps » dans une version plus eurodance que l’originale, single datant de 2011 mais encore jamais interprété en live. Contrairement à l’habitude, le titre d’ouverture ne fait donc pas partie du dernier album en date. L’interprétation des deux chansons suivantes, « Peut-être toi » et « Libertine » qui mettent l'ambiance, est très originale : un bras télescopique sort de scène et promène Mylène au-dessus du public ! Rassurez-vous, cela ne semble pas lui donner le tournis. Puis retour sur la scène principale, changement de costume et arrivée des danseurs pour entamer une chorégraphie sur « Optimistique-moi », très bonne surprise dans ce concert. Les danseurs demeurent pour « À tout jamais » (première chanson de l’album L’Emprise) avant « C’est une belle journée ».
L’un des moments les plus surprenants du spectacle est celui de « Tristana », chanson espérée par les admirateurs des 80’s depuis longtemps et à la mise en scène monumentale avec cette immense statue de corbeau d’où Mylène chante. Elle disparaît ensuite pour laisser place aux danseurs de retour à l’occasion de chorégraphies sur un medley « Remember » avec des chansons de divers albums farmeriens des plus jubilatoires : « Dégénération » qui me fait décoller du siège, « Beyond my control », « Je t’aime mélancolie » bien vue façon voguing, « Rolling stone » et « Pourvu qu’elles soient douces » revisitée. Une parenthèse enjouée avant quelques chansons plus mélancoliques et sobres, à commencer par « Rayon vert » où le groupe Aaron rejoint la scène pour un tendre duo… ou devrait-on dire trio ?
Mylène retrouve ensuite son pianiste fétiche Yvan Cassar au piano pour « L’autre... » et bien sûr « Rêver » qui offre toujours ce moment de communion entre l’artiste et son public. Ambiance plus dramatique avec « Que l’aube est belle » accompagnée d’un petit film d’animation projeté sur l’écran géant. Si des fans de l’album Ainsi sois-je sont restés sur leur faim, ils seront ravis par l’interprétation de « Sans contrefaçon », sa chorégraphie et ses costumes rappelant ceux du Tour 89, première série de concerts de Mylène Farmer. Les tenues sont conservées tandis qu’un trône doré sert d’accessoire à « Oui mais… non », tube de 2010. Puis la scène se vide et l’attention se porte sur l’écran géant qui projette un petit film tristounet façon aquarelle sur la musique de « Ode à l’apesanteur ».
Les teintes de rouge et de noir prennent place pour les deux chansons suivantes qui sont la dramatique « Que je devienne » avec ses pénitents et sa monumentale statue inquiétante, puis l’enthousiasmante « XXL » où s’élèvent en arrière-plan des croix en feu. Et pas de concert sans l’hymne « Désenchantée » qui arrive donc vers la fin du spectacle, toujours chorégraphiée et chantée en cœur par le public. C’est enfin « Rallumer les étoiles » qui clôture le tour de chant entre proximité avec le public ainsi que show pyrotechnique et de lumières. Après avoir remercié le public, la jolie rousse rejoint une nacelle qui monte et la fait disparaître de nos yeux dans un effet numérique de désintégration, en écho avec son arrivée sur scène. L’épilogue retentit, la salle se vide, fin du spectacle !
Celui-ci est au final dans la pure lignée des autres séries de concerts de Mylène Farmer, déjà du côté de la mise en scène. Un vrai show "où l’on en a pour son argent" avec notamment ces projections, les costumes, les chorégraphies et l’imposant décors ténébreux – à la limite du caricatural. Le tour de chant quant à lui alterne des classiques de son répertoire bien garni, des chansons plus inattendues tout aussi réjouissantes, et des pistes du dernier album studio en date qui est L’Emprise, un album qui sonne très live d’ailleurs. Je m’attendais à retrouver pour Nevermore plusieurs de ses non-singles comme « Que je devienne » mais aussi « Ne plus renaître » ou « Bouteille à la mer » que l’on entend juste au tout début.
Bref un super concert bien filmé toujours par François Hanss, plus spectaculaire que le précédent. Le public venu nombreux dans toutes les salles de projection ne s’y est pas trompé : record de fréquentation avec plus de 210 mille spectateurs le soir de cette projection unique. Et quand le mot « NEVERMORE » s’affiche en grand sur l’écran final, quelle n’est pas notre envie de barrer le « NEVER » pour souhaiter du « MORE »…