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Kenneth Branagh est un fervent admirateur d’Agatha Christie, la célèbre romancière dont les livres ont été adaptés de très nombreuses fois en films et autres séries. En 2017, il adaptait le célèbre Le Crime de l’Orient Express, alignant un casting de luxe (William Dafoe, Johnny Depp, Penelope Cruz, …) pour un whodunit dans un train plutôt sympathique malgré des idées qui ont fait grincer les dents des fans d’Hercule Poirot. Oui, le Poirot « ninja » est resté en travers de la gorge de pas mal de monde mais qu’importe, le divertissement était là. Cinq ans plus tard, repoussé à cause du covid, arrive sur les écrans une autre adaptation d’Agatha Christie, toujours de et avec Branagh reprenant le rôle de Poirot, Mort sur le Nil, une bobine bien en deçà du précédent, alignant CGI approximatifs, personnages inintéressants et intrigue prévisible. Pour sa troisième adaptation, Branagh et le scénariste Michael Green (déjà scénariste sur les 2 films précédents) s’attaquent à une histoire moins connue, La Fête du Potiron, et comme pour l’opus précédent, la sauce ne prend pas. On sent un Branagh impliqué, mais ce n’est pas suffisant pour en faire un bon film.


Comme souvent, à la sortie du film aux States, les critiques sont plutôt positives. Même chose au niveau box-office qui commence par des scores honorables. Mais rapidement, les premières critiques négatives arrivent en même temps que le box-office s’écroule. 120M$US de recettes, cela pourrait sembler plutôt correct, mais avec un budget avoisinant les 60M$US et un budget promotionnel sans doute équivalent, on ne peut à proprement parler d’une réussite, même si entre tout (ventes de droits pour la SVOD, ventes en support physique), Mystère à Venise a dû finir par être rentable. Alors qu’est-ce qui cloche dans cette nouvelle adaptation qui n’en est au final pas réellement une ? Eh bien pas mal de choses. N’ayant pas lu le livre mais étant accompagné d’une fanatique du duo Agatha Christie / Hercule Poirot, l’adaptation en elle-même est déjà boiteuse. L’histoire originale se situant normalement en Angleterre, y voir Halloween fêté à l’après-guerre n’a rien de bien choquant. Mais Green et Branagh décident de délocaliser l’histoire en Italie, à Venise, ville certes célèbre pour, entre autres, ses déguisements aux looks inquiétants, mais pas pour la fête d’Halloween qui est clairement arrivée dans les pays méditerranéens des décennies plus tard. On pourra également reprocher au scénario de ne pas réellement suivre celui du livre, ni en termes d’histoire, ni en termes de personnages. Mais dans l’absolu, c’est du chipotage, une adaptation fidèle n’est pas signe de réussite et inversement donc nous ne prendrons pas en compte cela pour juger le film. Parce que même sans ça, Mystère à Venise se traine de sérieux boulets. Mais avant de parler des choses qui fâchent, parlons du gros point fort du film, sa photographie. Mystère à Venise est beau et la mise en scène de Branagh fait souvent preuve d’une certaine audace. Lents travellings, vues aériennes, plans d’ensemble soigneusement cadrés, … Bien que cela fasse parfois artificiel malgré un tournage qui s’est réellement déroulé dans la célèbre ville Italienne (on sent les rajouts numériques), on est à Venise avec ses costumes, ses masques, ses gondoles, ses canaux et ses bâtiments typiques.


On pourrait également saluer l’envie d’apporter un côté surnaturel, un côté presque horrifique au métrage, avec même quelques tentatives de jumpscares. Il va être ici question de fantômes d’enfants morts par le passé qui hantent une bâtisse, d’une session de spiritisme qui tourne mal, ou encore de suicide. Mais c’est là le premier problème du film. Il a un peu le cul entre deux chaises. On sent l’envie d’amener une ambiance surnaturelle, un peu glauque parfois, mais sans l’envie de quitter le whodunit plus classique avec tous les codes imposés par un personnage aussi souvent adapté que Hercule Poirot. Le film navigue de l’un à l’autre sans jamais réellement s’affirmer ni dans l’un ni dans l’autre, avec au milieu des personnages pas correctement développés, pas toujours bien caractérisés, et qui semblent avoir été ajoutés là artificiellement. Car oui, pour qu’un whodunit arrive à semer le doute, il faut qu’il y ait suffisamment de personnages en plus d’être suffisamment malin pour embrouiller le spectateur. Mais ici, de un, pour qui a un peu l’habitude du genre, il est facile de deviner qui est le tueur au bout de 20 minutes (avec divers évènements tout le long pour le confirmer), et de deux, certains personnages sont problématiques car, comme dit ci-dessus, intégrés dans le scénario artificiellement pour qu’il y en ait suffisamment malgré un certain nombre de morts. Autre problématique, le scénario est tarabiscoté pour pas grand-chose, amenant en plus des scènes frisant le ridicule (la scène de spiritisme, le dialogue sur la clé de la porte, …), et il n’a au final pas grand-chose à raconter. Du coup, le casting a beau s’en sortir avec les honneurs, en particulier Kennath Branagh qui semble parfois habité par son personnage d’Hercule Poirot, ils errent parfois plus dans les scènes qu’ils n’y participent réellement. Du coup, certains moments ont bien moins d’impact qu’ils ne devraient en avoir. Même la révélation finale, sans faire un pschitt complet, en ressort diminuée. C’est quand même problématique pour un genre de film qui mise en grande partie sur la grande révélation nous expliquant tous les subterfuges, nous dévoilant toutes les pièces manquantes du puzzle. On en ressort avec cette grosse sensation de « mouais », sans avoir passé un moment crispant pour autant, mais pas non plus avec cette sensation d’avoir regardé un bon film.


Troisième film de la saga Hercule Poirot made in Kenneth Brannagh, Mystère à Venise est un coup d’épée dans l’eau, réussi sur la forme, mais raté sur le fond. Un film du même niveau que le précédent, Mort sur le Nil, c’est-à-dire pas terrible.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-mystere-a-venise-de-kenneth-branagh-2023/

cherycok
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le 23 nov. 2023

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