Raoul Ruiz est un réalisateur chilien exilé en France après le coup d'état de 1973 (Pinochet) que j'ai découvert à travers cette fresque "Mystères de Lisbonne". C'est aussi son dernier film.
Le scénario est tiré d'un roman portugais de Camolo Castelo Branco (que je ne connais pas) et l'adaptation au cinéma existe sous deux formes, un film de 4 h 30 environ ou bien une série.
Ici, on ne parle que du film qui nécessite un minimum d'organisation et de motivation pour le caser sur une journée ...
Pour faire simple, trois destins se croisent dans le film : un enfant, Joao ou Pedro Da Silva, orphelin, un prêtre, le père Dinis, qui fut autrefois un aristocrate libertin (au sens XVIIIème ...) et qui prend en charge l'éducation du jeune Pedro et un aventurier dont le dernier nom est Alberto de Magalhaes.
L'ensemble du film sera un lent décryptage des différentes situations et des causes qui ont conduit l'enfant dans un orphelinat et sous la protection du père Dinis. On peut dire qu'il y a un important travail scénaristique et de montage autour d'un fil rouge qui est la vie de l'enfant avec de fréquents flash-backs permettant de comprendre qui est qui et pourquoi. Et on peut dire que ça marche plutôt bien car on suit avec intérêt et curiosité les différentes destinées.
Le film est divisé en deux parties. La première se déroule essentiellement au Portugal et la deuxième se passe en partie en France, au Portugal et dans d'autres pays.
Le casting est constitué d'acteurs portugais que je ne connais pas du tout mais qui m'ont paru très bons et de quelques acteurs/actrices français dont Léa Seydoux (rôle de quelques minutes... contrairement à ce que laisserait supposer l'affiche) et surtout Clotilde Hesme en femme manipulatrice, assoiffée de vengeance.
Parmi les acteurs portugais, j'ai surtout retenu le rôle de la mère de l'enfant qui a un rôle très dramatique. Il est magnifiquement joué par Maria Joao Bastos (qui mériterait d'être connue en France). Le personnage est une femme au destin contrarié, mal mariée à un homme (riche, bien sûr) qui la trompe ouvertement et la maltraite mais l'actrice en fait un beau et digne personnage.
La musique est omniprésente sans être envahissante et, suivant la gravité de l'instant, évolue des violons aux violoncelles renforçant le caractère romanesque du film.
C'est surtout la réalisation et la mise en scène qui m'ont paru d'un excellent niveau aidant à franchir les 4 h 30 sans trop de difficultés et à bien accompagner le spectateur dans l'embrouillamini apparent de l'histoire. La caméra est très mobile ou se met à la place du spectateur qui avance tranquillement et franchit une porte pour découvrir progressivement ce qu'il y a derrière. Les éclairages des personnages dans une scène évoluent suivant leur participation ou leur silence.
Il y a de magnifiques portraits des différents personnages ou de magnifiques décors qui font penser à des tableaux ou à des scènes de théâtre.
Au final, on a un film fort intéressant où la première partie est nettement plus fascinante que la deuxième notamment du fait de la présence de la mère de l'enfant et de l'énigmatique prêtre.
Le film gagne à être revu plusieurs fois car il fourmille de petits détails ou de trouvailles de mise en scène. Personnellement, c'est la deuxième fois que je le regarde et j'ai beaucoup plus apprécié le film.
Il n'est pas impossible que ma note évolue lors d'un troisième visionnage.