J'aurai tellement voulu.. Nous élever tels deux anges, et comme par magie... Disparaître...
Loin du film plaintif et moralisateur, Araki se penche sur la pédophilie avec un regard intelligent et terriblement neutre. Il n'y a pas qu'une seule façon de réagir à un tel traumatisme, et il le souligne à la perfection sans avoir peur de s'attaquer aux plus grands tabous avec Neil qui d'une certaine manière y a pris goût, qui aimait vraiment cette relation et n'est plus capable d'envisager le sexe autrement. C'est ce qu'il cherchera à retrouver tout au long de sa vie sans jamais y arriver, allant de désillusion en désillusion sans admettre qu'il a été utilisé. Deux adolescences massacrées, l'une violente et malsaine ; l'autre inexistante, asexuée, terrifiée et pleine de questions. Chacun y fait face de manière radicalement opposée dans un univers désenchanté et plein de délicatesse ou ils se débattent en vain.
Dans un juste milieu parfait entre explicite et implicite, Mysterious Skin flotte en permanence dans une ambiance à la fois malsaine et onirique, violente et poétique, intense et calme. On est tour à tour dérangé, ému, choqué, émerveillé. C'est un film cruel et bouleversant, qui nous parle de l'innocence saccagée avec une grâce et une maturité tantôt terrifiante, tantôt magnifique.
Joseph Gordon-Lewitt et Brady Corbet y sont fabuleux, dans un jeu subtil, émouvant et poignant de réalisme, et forment ensemble un duo impeccable. Quant à la mise en scène, elle est juste, sans jamais en faire trop, pleine de moments presque féeriques illustrant le mystère de l'adolescence, et reflétant parfaitement le reste de l'ambiance du film. Araki sublime tout, son sujet et ses acteurs, et échappe complétement aux clichés du mélodrame dans lesquels il aurait pu tomber. Son film est authentique, profond. Il ne parle pas seulement de pédophilie, il parle du drame de l'adolescence tout entier, de la perte, du vol de l'enfance et de l'innocence. Jusque dans les moindres détails, Mysterious Skin est un chef-d'œuvre.