Le premier film que j'ai vu de Gregg Araki a été Kaboom. Concentré de stéréotypes du film d'auteur, navet interstellaire et fin aux envolées vertigineuses pour finalement retomber comme un pigeon suicidaire : j'en ai gardé un très mauvais souvenir en même temps que de ne pas comprendre pourquoi ce film avait fait tant de bruit.


Heureusement pour moi, Mysterious Skin n'a pas fait de bruit, ou du moins l'écho de sa tonitruante entrée (des soucis notamment en Australie quant à l'exploitation du film qui, rappelons-le, parle des abus pédophiles) n'est pas parvenu jusqu'à moi. Pire : Greg Arraki me disait vaguement quelque chose, mais je n'avais pas fait le rapprochement avec son film le plus récent : Kaboom.


Bref, Mysterious Skin frappe dès le début, lors du générique d'introduction. La musique, étrange mais parfaite, accompagne ces céréales qui tombent pour nous rappeler l'enfance que nous avons tous vécus. C'est encore plongé dans nos souvenirs de bambins que nous écoutons alors la narration d'une histoire glauque : celle de deux enfants ayant été abusés par un pédophile, leur coatch de baseball.


Les deux enfants sont Neil McCormick et Brian Lackey. Le premier est homosexuel depuis déjà tout petit et se masturbe depuis un moment en espionnant sa mère et son jules d'alors, sous le couvert d'un store à demi fermé. Le second est une espèce de mollusque renfermé sur lui-même, peu apprécié par son père mais surprotégé par sa mère et aimé par sa soeur. On devinera plus tard que les deux enfants sont liés à jamais bien que tout les oppose.


La longue mais intéressante introduction achevée, nous retrouvons Neil et Brian adolescents. Neil est devenu un prostitué tandis que Brian cherche à recomposer son enfance, perdue à cause du pédo-coach. Sa mémoire a rejeté les abus proféré sur lui à un point tel qu'aujourd'hui il ne se souvient de rien et met tout ces saignements, évanouissements, cauchemars, etc... sur le compte d'extraterrestres qui l'auraient enlevés. Parfois Araki nous perd un peu en exposant les extraterrestres et les fantasmes de Brian mais ce n'est que plus nous diriger vers... Avalyn Friesen. Cette jeune femme pour le moins spécial ajoute une autre envergure au film, peut-être lui donne-t-il de la légèreté, même.


Mysterious Skin est globalement un bon film. La narration vient le tirer vers l'excellence puisque l'on peut apprécier cet oeuvre sans avoir la boule au ventre, les excès du pédo-coach étant sous-entendus. Beaucoup de choses sont justement sous-entendues dans ce film, comme si tout n'était pas bon à dire et que l'imaginaire pouvait suffire à recomposer le puzzle, même avec les pièces manquantes. Il s'agit ici, en quelque sorte de la démarche de Brian qui recompose peu à peu sa vie à force d'explorer ses rêves. La musique parfaitement orchestrée par Robin Guthrie permet un accompagnement dans le film lui aussi très pertinent et qui aide à nous faire ressentir les choses du point de vue de Neil et Brian. Pourtant, je doute qu'Araki aie voulu qu'on ressente par Neil, décrit comme sans coeur. Pour Brian nous visualisons ses rêves, son parcours pour trouver la vérité et en même temps devenir adulte. Neil, lui, est devenu trop vite adulte et utilise son expérience à des fins extrêmes, comme s'il avait besoin d'abuser du système pour exister.


Ainsi, je place ce film dans mon top 10. Cette narration tout à fait pertinente qui traite l'histoire de façon superficielle tout en nous plongeant totalement dedans et sans nous laisser de répit m'a convaincue en même temps que le jeu magistral de Joseph Gordon Levitt et ses camarades, très bons alors que très jeunes. Et peut-être que le plus marquant demeure que l'on puisse, un temps durant le film, comprendre la pédophilie. Non pas la cautionner, mais comprendre que cet homme seul, le pédo-coach comme je l'appelle, puisse tomber amoureux d'un gamin impertinent et charmeur. Et si en amour comme en guerre tous les coups sont permis, alors c'est que le monde ne tourne pas rond et Araki le montre ici.


J'ai vu Mysterious Skin et suis tombé dans tous les pièges tendus par Araki : je suis bien naïf mais chaque fois que je vois ce film, je suis comblé.


Le mot de la fin : "À la place du cœur Neil, McCormick a un immense trou noir. Si tu te méfies pas, tu tomberas dedans et tu te noieras."

Isopropyl
10
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le 11 sept. 2012

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Isopropyl

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