On sait depuis longtemps - depuis toujours ? - que l'esthète Jim Jarmusch est, comme nous, un fan absolu de rock'n'roll : du coup, la manière dont la musique irrigue une grande partie de son œuvre nous a rendu celle-ci encore plus précieuse, encore plus chère. "Mystery Train" est néanmoins le premier film, me semble-t-il, dans lequel Jarmusch rend directement hommage à la musique, sous la forme suprêmement élégante d'une ballade nostalgique à travers Memphis, lieu de pèlerinage - trop évident, sans doute - de personnages plus ou moins en perdition. Comme souvent chez Jarmusch, l'esthétique du film - colorée, cette fois - est stupéfiante, mais c'est plutôt l'atmosphère générale qui produit cet effet d'envoûtement que l'on chérit tant : sans véritable histoire, ou plutôt plein de fragments d'histoires que nous n'avons pas besoin de saisir dans leur intégralité pour aimer leurs protagonistes, humains, tellement humains, "Mystery Train" distille avec légèreté et humour un sentiment bouleversant de vie qui passe. A la fois dérisoire et pourtant essentielle… Et puis il y a Joe Strummer... et rien que pour ça, comment ne pas vénérer Jim ?
[Critique écrite en 1991]