Grand film du muet (seul film muet sur la guerre qui aux Etats-Unis a tant divisé Nord et Sud, d'ailleurs, à ma connaissance, parmi la myriade d'œuvres cinématographiques que ce conflit a inspirée) et grand film tout court avec des aspects à la Autant en emporte le vent mais qui a fait polémique (et fait encore polémique) pour une simple et bonne raison : il ne présente pas seulement la naissance de deux nations plus que d'une et surtout celle du KKK mais il va plus loin beaucoup plus loin puisqu'il se sert de ce prétexte pour justifier la résurgence du KKK, qui renaît justement à la même époque où le film sort (1915).
Mais voilà qui laisse un sentiment très partagé, en fait, dans le sens où il est indéniablement une superbe fresque sur la Guerre Civile comme l'appelle les Américains et sur la Reconstruction (1866-1895) qui l'a suivit tout en sentant la bonne pensée sudiste esclavagiste, suprématiste etc et tellement que ça en devient nauséeux, au bout d'un moment.
Pour autant, si idéologiquement, il a de quoi mettre mal à l'aise et nous mettre franchement mal à l'aise, il a aussi le mérite de tenter et de réussir à nous plonger dans l'atmosphère de l'époque à un point tellement extrême qu'on en est révulsés. Il pose, par ailleurs, très bien les jalons de la Naissance de deux Nations, toujours aussi opposées même après qu'elles aient signé la paix mais d'une Nation aussi dans un certain sens, nation américaine (avec ce Nord et ce Sud tellement opposés: l'un plus industriel et en général de tendance abolitionniste et l'autre plus agricole et en général de tendance esclavagiste et/ou suprématiste) plus née de la Guerre Civile et de ses conséquences que de la Révolution Américaine en 1776 (elle a quand même jouée dans le processus, bien évidemment ^^)
Avec une puissance qui, paradoxalement, vient plus de la BO et du muet que des "dialogues" assez peu nombreux, d'ailleurs (les pancartes explicatives étant plus de la "narration" qu'autre chose mais tout à fait utile pour planter le cadre de cette fresque, qu'on ne saurait quoi qu'il en soit résumer à son idéologie sans la trahir par la même occasion. Elle est bien plus complexe, plus riche qu'un simple film de propagande pour le KKK (même si on ne peut nier qu'elle le défend et justifie sa résurgence), ce qui fait d'ailleurs tout son intérêt c'est cette pluralité qui le sauve quelque peu de l'absence de nuances que ce genre de film aurait pu engendrer.
Et je dirais même que je pourrais l'aimer pour son courage (même si c'était aussi de la conviction de la part de David Wark Griffith) d'aborder un sujet aussi sensible et de faire l'apologie d'une organisation comme le Klan (dont la résurgence à, peut être perdu de son actualité un siècle plus tard - les films sur la Guerre Civile et le KKK, ce n'est plus courant, d'ailleurs, même chez les Américains que cette période a pourtant tant marqués - mais pas totalement puisqu'il existe encore, d'ailleurs, et à été refondé dans les années 1960). Il y a de la prise de risque aussi détestable soit-elle et c'est une autre chose que l'on ne peut nier. Alors, ce film se trouve génial AVEC son plaidoyer pour le diable en l'occurrence les suprématistes du KKK et peut-être même GRACE à ce plaidoyer.
On a donc un Autant en emporte le vent du muet à l'idéologie trouble acceptable avec et qu'on ne saurait pourtant réduire à ce seul aspect, ce qui est tout le génie de ce film : jouer sur nos sentiments à son égard et c'est ce qui fait que j'ai eu une hésitation pour le noter, au départ. Il lui faudrait peut-être une catégorie du genre "je ne sais pas comment noter un chef d'œuvre à l'idéologie plus que douteuse mais qui arrive à s'en servir comme d'un atout".