Note : critique que j'ai écrite en novembre 2020 après l'avoir découvert, elle est ponctuée de second degré, car je me moque du racisme dont est accusé le film.
Point important : il dure 3 heures 13 : la durée je connais mais toute la question est comme le / la cinéaste va t-il s’en servir ? Qu’en savais je de « Naissance d’une nation », ayant lu et même écouter une émission « Affaires sensibles » qui lui est consacré et donc que le mot le plus connu pour désigner ce film, c’est : « raciste ». Ça tombe bien, je le suis aussi :)
Ce qui fait qu’autant le dire tout de suite : je trouve pas que ce soit tellement raciste. Il y a même pas de noir brûlé ;)
Mais revenons au début, c’est quoi l’histoire ? Dans les années 1860 dans le Sud des États-Unis vit une famille plutôt aisée, composée de deux filles et trois fils, le père est médecin et la mère est au foyer. Au casting, j’ai retrouvé rapidement deux visages connus : Henry Walthall et Spotiswoode Aitken, que j’avais déjà vu en tant que neveu et oncle dans le précédent film de Griffith : « La conscience vengeresse » une semaine plus tôt. Ici, ils sont fils et père.
Ben (Walthall) vit une romance avec Elsie (Lilian Gish) la fille de la famille voisine dont le père est un homme politique. Justement parallèlement à cela : on voit les coulisses de la vie politique : Abraham Lincoln était alors président.
Tout vas mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que la guerre soit enclenchée et que 70 000 hommes s’engagent dans les troupes dont les fils Cameron. Deux d’entre eux n’y reviendront pas.
Là on a je sais pas combien de temps de scènes de guerre mais j’ai trouvé quand même le temps un peu long préférant suivre le destin des membres de la famille Cameron. Et c’est Ben, surtout « le petit colonel » qui va notamment faire ce qui est l’une des plus célèbres images de l’histoire du cinéma : enfonçant un drapeau américain dans un canon. Les séquences sont vraiment impressionnantes même si Griffith se contente de les filmer en plan fixe et c’est assez répétitif, on voit que ça a été tourné sur un simple et grand terrain d’herbe.
Ben est finalement rapatrié blessé, Elsie veillant sur lui à l’infirmerie militaire, on note d’ailleurs une séquence assez drôle où l’officier qui laisse entrer ou non les visiteurs et les visiteuses la regarde de manière un peu bizarre.
A son retour, il retrouve les siens mais est clairement aussi blessé intérieurement. Mais la politique va bientôt évoluer par l’assassinat d’Abraham Lincoln et ce devant les yeux d’Elsie et de son frère dans un théâtre. A ce moment là, le père d’Elsie – assisté par un certain Lynch – va tout faire pour accorder les mêmes droits aux blancs qu’aux noirs. Et les noirs, encore hier esclaves vont bien trop en profiter et Ben décide de créer ce qui sera le Ku Klux Klan…
Voilà, je dis rien de plus parce que j’ai quand même pas mal résumer.
Griffith qui adapte deux bouquins est plutôt futé et sait parfaitement ce qu’il veut raconter : la saga, sur quelques années, d’une famille sudiste ordinaire confrontée aux changements politiques.
On s’attache rapidement aux membres de cette famille d’autant que leurs interprètes ont des visages attachants, ils ont deux employés noirs qui les soutiendront jusqu’au bout sans doute parce que les Cameron les traite parfaitement bien.
Mais juste à côté d’eux, il y a la famille Stoneman dont le père porte ouvertement une moumoute qui épouse son employée latina (qui est assez laide et manipulatrice d’ailleurs) assez rapidement.
Si monsieur Stoneman apparaît relativement attachant dès le début, il va devenir un peu détestable mais pas autant que son conseiller Lynch qui lui va passer à la vitesse supérieure en voulant employer la violence contre les blancs : créer une ligue noire pour lutter contre les blancs.
De son côté, Elsie qui n’est pas raciste – ou ne voit pas encore le comportement néfaste des noirs – est bientôt tiraillée entre son amour pour Ben et les convictions de son père.
« Naissance d’une nation » est assez compliqué à critiquer, car si le propos est très manichéen (les noirs sont les méchants), il nous invite à nous poser des questions sur les noirs : esclaves dans les champs de coton, ils ne sont pas vraiment montrés maltraités par les blancs mais n’ont pas non plus les mêmes droits que les blancs (notamment le droit de vote) et lorsqu’ils vont pouvoir se révolter : que font-ils de répréhensible ? Ils terrorisent les blancs, un noir fait même des avances forcées à
(attention gros spoilers) la cadette des Cameron qui préféra se tuer plutôt que d’être toucher de force par lui (on peut la comprendre). Soudain tout leur est accordé et ils vont à fond la caisse : entrent dans la maison des blancs, saccagent tout, s’en prennent physiquement aux locataires.
Alors que les blancs ne faisaient pas vraiment la même chose envers les noirs. J’ignore si c’est la réalité ou si c’est la volonté de l’auteur du livre et de Griffith de montrer vraiment une image anti noirs. Mais son propos n’est pas totalement sombre : il y a quelques bons noirs (les domestiques des Cameron par exemple, les employés qui dansent pendant leurs pauses et amusent, au tout début du film, les Cameron). Je ne pense pas que ce soit un film contre les noirs, il montre juste l’excès d’un peuple qui a trop longtemps était contenu mais est que les Cameron qui sont bienveillants envers les noirs y sont pour quelque chose ? Non. Alors pourquoi saccager leur maison ? Qui plus est, il y a des blancs à la tête de petites armées noires. On peut avoir été contenu et réussir à se contenir, je pense.
Dans chaque peuple, il y a des traîtres.
Mais je pense que ce film fait penser aux blancs comme moi à leurs expériences avec les noirs.
J’ai dis plus haut que les Cameron sont « attachants » parce que c’est le cas : on pourrait me répondre : comment peut-on s’attacher à une famille dont le fils aîné créer un organisation qui tue des noirs ? Il ne veut pas tuer des noirs, il veut tuer des noirs qui font chi/r les blancs : la fin nous montre clairement qu’il ne s’en prend pas vraiment aux familles noires mais aux noirs qui s’en prennent aux blancs : c’est pas compliqué à comprendre. Lorsqu’on nous attaque, faut bien que l'on se défend, non ?
Pour en revenir à ce que j’ai pensé en termes techniques de ce film : c’est passionnant mais comme dans tout film il y a quelques ventres mous, dans « Naissance d’une nation », c’est vraiment les séquences de guerre qui m’ont sur le coup assez ennuyées parce qu’elles durent, durent… et aussi le moment romance à la fin qui fait se disperser quoi que l’ensemble est finalement très cohérent : comme les pièces d’un puzzle qui s’emboîtent.
Donc oui c’est long, très long, heureusement j’en connaissais la durée par moments mais Griffith laisse rarement un moment de répit au spectateurs : les plans et les scènes sont la plupart du temps très courts. Ça s’enchaîne, ça s’enchaîne.
Mais je pense que je le trouverais encore plus passionnant en le revoyant, parce que j’en connais le rythme maintenant. L’interprétation est Intense : c’est le mot, tout le casting apporte une présence et une énergie unique propre à son personnage, qu’il soit un bon personnage ou un mauvais personnage. C’est évidemment Henry Walthall qui se distingue, Griffith aimait clairement beaucoup cet acteur qui après « La conscience vengeresse » où il était déjà impressionnant, là est présent dans une bonne partie des scènes, véritable fil rouge de l’histoire : passant au début d’un fils, frère et petit ami aimant à celui de leader d’un mouvement qui sauvera sa famille. Le parcours de son personnage est passionnant mais le jeu d’Walthall nous le rend encore plus passionnant. On a envie tout le temps d’être avec lui. A ses côtés, Spotiswoode Aitken est très bien en patriarche, Mae Marsh (21 ans alors, pourtant elle donne l’impression d’en avoir que treize) est adorable, belle et efficace : on aime aussi son personnage de Flora qui est très dévouée à son frère Ben.
Lilian Gish en fait peut être des tonnes notamment dans un moment à la fin, mais son personnage très nuancé rend sa partition particulièrement intéressante. Le reste du casting du côté des autres gentils et des méchants tient aussi particulièrement la route. Évidemment on remarque des acteurs blancs grimés en noirs, c’est assez frappant parfois mais bon.
A noter qu’il y a très peu de dialogues, les intertitres servant essentiellement de narration.