Napoléon sans dynamite

A 85 ans, le dinosaure Ridley Scott revient avec un film épique de 2H35 sur l'une des figures les plus controversées de l'Histoire. Napoléon est un personnage riche et complexe. Il a inspiré bon nombre de cinéastes qui ont tenté de raconter sa vie, toujours avec d'épineuses questions : comment aborder la vie de Napoléon en un film ? Comment représenter l'empereur ? Je me dis souvent que si Abel Gance ou Stanley Kubrick n'ont pas réussi cet exercice, c'est qu'il y a une raison, et Ridley Scott n'a certainement pas trouvé comment faire. J'avais beaucoup aimé ses deux films de 2021, mais là, c'est la douche froide.

Ridley Scott décide de raconter la vie de Napoléon, de la Révolution française jusqu'à sa mort, dans un film de deux heures et demie. C'est une bien vaste entreprise qui échoue lamentablement. Le film n'est qu'une évocation superficielle de la vie de l'empereur, joliment filmé par un réalisateur qui a toujours ses talents de composition d'images. Il faut aussi saluer les bonnes scènes de combats qui sont sèches, brutales et violentes. Ridley Scott arrive toujours à nous faire comprendre que la guerre ça fait mal.

Globalement, le film est une succession de moments choisis de la vie de Napoléon. Ridley Scott a bien appris son manuel scolaire. Il a ensuite pris sa caméra, ses millions de dollars et fait une jolie reconstitution historique. Les séquences plates et illustratives s'enchaînent. Les scènes ont un simple caractère informatif, elle ne prennent pas le temps de construire quoi que ce soit. Il n'y a aucune tension qui se crée, ni d'évolution possible. La beauté des images ne suffit pas à nous sauver de l'ennui et je ne pense pas que la version de 4 heures change quoi que ce soit. Les coupes et le morcelage du film rend le tout vraiment froid et distant. Les choses arrivent, parce qu'elles arrivent. C'est comme ça, c'est l'Histoire. Comme il faut condenser la vie de l'empereur dans deux heures et demie, on nous balance des faits en place face. On est surpris d'apprendre que Napoléon a un enfant dans une scène et plus jamais on en reparle. L'abdication de Napoléon est traitée en une minute, le temps de signer un papier. Son retour au pouvoir après son exil se fait aussi en un claquement de doigts. Boum, il part de l'île d'Elbe, arrive en France et part en direction de Waterloo en l'espace de 5 minutes. Entre temps, il apprend la mort de Joséphine. Le deuil est complètement passé sous silence.

Le film semble ne pas savoir sur quel pied danser. On a l'impression qu'il y a deux films en un. L'un est sur la romance entre Napoléon et Joséphine et l'autre sur la carrière de l'empereur. Sauf qu'aucune de ces deux intrigues n'est consistante. À aucun moment, on ne ressent la passion entre Napoléon et Joséphine. Quant à la carrière politique, militaire de Napoléon, celle-ci est complètement désincarnée. En quoi est-il un conquérant ? Un fin stratège militaire ? Aucune idée. On voit simplement Napoléon diriger trois batailles, dont celle de Waterloo qu'il perd. Quand est-il de l'aspect tyrannique de Napoléon ? Il est inexistant. Il est constamment adulé par ses hommes, ses décisions ne soulèvent jamais la moindre critique et le peuple est complètement oublié du film. Le seul parti-pris de Ridley Scott est d'avoir fait de Napoléon un tocard. Il réagit comme un gamin quand Joséphine le trompe, il se prend des fientes d'oiseaux, il se ridiculise par moment. Joaquim Phoenix nous sort son jeu le plus placide pour tenter d'insuffler un peu de profondeur au personnage, mais comme on ne sait pas vraiment ce que Napoléon veut ça devient vite ridicule. Il a l'air complètement désintéressé par le pouvoir, son destin, ses aspirations, et au final nous aussi.

Le film se noie sous ses ambitions en voulant traiter la vie entière de Napoléon. Il finit par n'être qu'un amas de jolies images sans vie ni consistance, ni but. Un film obèse de 2H30 qui au final, ironiquement, ne raconte pas grand-chose.