Angle mort
Il en est des personnages historiques comme des pièces de théâtre patrimoniales : à chaque fois qu’un metteur en scène s’y attaque, il se doit de livrer sa lecture, et prend soin, avec plus ou moins...
le 26 nov. 2023
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[Avertissement générique: ce que vous lirez ici est un avis totalement subjectif et amateur de spectateur/lecteur/auditeur lambda, sûrement pas une critique; faut être fortement présomptueux pour se croire auteur d'une vraie critique. C'est juste «ce que ça m'a fait». Il est probable que ça ne dépasse pas le niveau de la conversation de comptoir. Si jamais c'était le cas, je vous présente mes excuses par avance.]
J'aime bien Ridley Scott en général.
Je m'en fous royalement (sans blague?) qu'il soit anglais.
Malgré mes études d'histoire et mon intérêt de plusieurs décennies pour la chose, bien sûr qu'une œuvre de fiction peut prendre des libertes, tant qu'elle reste cohérente avec elle elle-même et avec le «lore», pour causer vulgaire.
Enfin, le personnage historique, élément du patrimoine français: j'ai pas de sympathie pour lui, je n'y mets rien de sacré, c'est un sujet d'étude riche et intéressant, c'est tout. Et c'est déjà pas rien.
Moi je regarde juste un film, je n'aborderai donc pas les aspects cités ci-dessus, qui sont à la discrétion du scénario, de l'interprétation et de la réalisation.
Alors, le film.
Alors donc c'est la Révolution et holà attends c'est qui lui ça doit être... et lui c'est... ah bah c'est Robespierre. Ah bah tiens, voilà Napoléon, il parle avec un... ah bah non il rencontre Joséphine à Toulon après une bataille pas si mal foutue, ou avant je sais plus, c'est un tel bordel ce film, et là elle a des enfants d'un premier mariage mais... et ah bah tiens ils se marient ah bah non là ils font l'amour et ça a l'air nul pour elle ah non en fait ils sont complices cool on va voir cette relation ambig... ah bah non il est en Egypte, il tire sur les pyramides on sait pas pourquoi et il... ah bah non il parle avec des gens consul tout ça, ça te dit? il... attend il revient d'Italie? Ah bah non ça c'était avant? Je sais plus. Mais qu'est-ce qu'il foutait là de toute façon? Ah bah allez hop il est consul zou, il... hein? Ah ok c'est fini. La scène suivante c'est... mais ça n'a aucun rapport? Oulalah il a des ennemis. Euh non des alliés. Il parle avec Talleyrand, on va voir le développement de ce personnage et son import... ah non scène suivante alors du coup il est devenu pote avec le tsar comme il en parlait avec Talleyrand ou bien...? Je... quoi? Ah ok le tsar l'a trahi, bataille! Bon. Bah ils sont où les figurants? C'est quoi ce filtre bleu? C'est quelle bataille encore? Pourquoi on se fout sur la gueule? Elle a l'air importante cette bataille et pourtant ils sont pas beaucoup avec quelques tentes là au milieu de leur plaine... euh de leur lac glacé... Oh le drapeau autrichien qui sombre vu depuis sous la glace, c'est pas très original, j'espère que ses relations avec les autres souverains vont être expliqu... ah non il parle avec Joséphine, ah non en fait ils font l'amour à nouveau et c'est toujours nul pour elle on dirait et ah non en fait ils sont complices de nouveau et il est odieux mais non tiens il est plus odieux ah bah non en fait ils sont plus complices à cause de l'absence d'héritier, peut-être on va savoir pourquoi c'est important pour le sort de l'Europe vu qu'ils le disent, ah non on peut pas parce que j'ai oublié le sacre, y'a eu le sacre mais c'était avant ou après? Ah on voit une scène où David peint dans le fond le fameux tableau, on va sûrement avoir une minute ou deux sur la place des arts dans le mythe de... ah non vite fait faut envahir la Russie, vite vite vite, poum une embuscade, trois péquenots tirent depuis la forêt bam! viteuuuuh on les défonce et waw on est déjà à Moscou? Ok. A partir de là y'a des genres de I Muvrini qui vont chanter dans le fond de manière envahissante jusqu'à la fin. Moscou qui brûle! mais tout vite tout vite ça brûle, il regarde le brasier avec un air pénétré mais messieurs dames veuillez me suivre, on s'attarde pas, le temps est compté, après on rentre tout vite il fait froiiiiid, il distribue des quignons de pain à ses hommes ah cette lente et pénible retraite qui n'en finissait pas et... ah bah non c'est fini il est déjà rentré, tiens j'ai oublié il a répudié Jospéhine, ouais désolé je fais pas dans l'ordre mais ça va troooop viiiiite, elle va au château de la Malmaison, elle est verte, mais ça va... enfin ça va vite surtout on sait pas trop. Ah bah tiens il rencontre la Marie-Louise, voilà, première rencontre, il lui dit qu'elle est petite, elle lui dit qu'il est fort, ils sont dans le hall, on va sûrement voir comment elle trouve ou pas sa place dans... ah bah non, dix secondes après montre en main ils ont un garçon, bon bah ça va il est rassuré le pépère, après je sais plus pis d'un coup il part en exil ah zut, pas vu venir. Il écrit à Joséphine vu que Marie-Louise a disparu du film, mais d'un coup paf il est plus en exil il revient, dis. Il a réquisitionné un bateau à la Jack Sparrow et hop le revoilou mais Joséphine meurt, comment c'est nul. Y'a une fille on sait pas qui c'est qui lui annonce il est tout mal, et là on comprend d'un coup que c'est la fille à Joséphine, celle du tout début, qu'on avait oublié, comme le film! Après c'est de nouveau la bataille qui dure des plombes et épique comme un discours de Gérard Larcher, il tire la gueule mais c'est normal il perd, mais moi j'ai pas compris tout de suite vu que Joaquin Phoenix tire la même gueule du début à la fin, inébranlable, quelque chose entre la constipation et un gars qui retient ses prouts. Ça doit être un truc de grands hommes.
J'ai aimé le traitement très quotidien de certaines scènes, avec des plans rapprochés, et sans drame, sans esbroufe, comme lors du sacre: ça ramène le personnage historique, presque sacré pour certains, à son humanité, à sa simplicité, à son enveloppe charnelle et faillible, dans un moment pourtant si solennel. D'autres scènes dans cet esprit, traitant de l'intimité non pas dans l'espace privé, mais en général, sont très réussies. Trop rares. Trop courtes. Sans êtres reliées au reste du film.
Sinon c'est une succession d'épisodes, de tableaux superficiels et lisses, bâclés, sans contexte, sans psychologie, sans qu'aucun personnage ne soit développé, ni un regard critique, ni un regard historique, ni un regard laudatif, ni un regard romanesque, c'est un peu tout et rien à la fois, ça part dans tous les sens, on ne comprend que rarement les ressorts dramatiques qui sont absents ou les motivations des personnages qui ne sont jamais ni explicites, ni mêmes implicites. Y'a des moments où c'est dur de suivre qui est qui tellement les grands personnages qui entourent l'Empereur sont plus que fugaces, à peine des ombres. Si, à un moment, ça dure deux minutes, sans aucune raison apparente, on te fout d'un coup à l'écran un genre de cartouche façon pièce d'identité pour te dire, explicite et lourdingue, qui c'est le gars qui cause. Dont Talleyrand. Qu'on avait déjà vu avant. Et puis après on ne le fait plus, on ne sait pas pourquoi non plus. Mais de toute façon le film les aura oubliés dans dix secondes. Talleyrand, par exemple, traité par dessus la jambe, Talleyrand qui n'est pas juste un péquin de passage, il fait potiche, et voilà. Le film ne choisit jamais son sujet, son angle d'attaque, son parti pris. Jamais.
C'est long même si ça va viiiiiite.
«Les gars on a 2H30, et je veux parler de tout, donc on se magne le cul».
Et au final, bah ça parle pas de grand-chose.
Créée
le 10 nov. 2024
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