Napoléon d’Abel Gance est un feu sacré, une œuvre où le cinéma s’élève au rang de prophétie visuelle. Sous la main d’un visionnaire, l’écran devient un champ de bataille où les émotions, les idées et les techniques s'affolent et s’embrassent. C’est un monument où chaque image abonde, vibre de vie, où chaque scène exhale la grandeur et la fragilité de l’histoire humaine.
Ce film n’est pas une simple chronique, mais une ode au cinéma total, où chaque aspect visuel, sonore et narratif, participe à la grandeur de ce monument.
Du langage révolutionnaire de la polyvision, où trois écrans s’étendent pour embrasser l’immensité du champ de bataille, à l’intimité d’un regard, Gance pulvérise les frontières de la narration traditionnelle. La caméra ne se contente pas de regarder, elle vit : elle vole à dos de cheval ou à balançoir.
Le montage rapide, audacieux, s’impose comme une respiration haletante qui donne corps à l’urgence et à l’immensité du récit. Les surimpressions, comme des rêves surgissent d'un génie, où se mêlent passé, présent et futur, magnifiant l’épopée tout en dévoilant les tourments intérieurs du héros.
Chaque innovation technique est au service de l’émotion, chaque audace visuelle porte la marque d’un cinéma qui ne se contente pas de représenter, mais cherche à transcender. Le gros plan scrute l’âme des personnages, tandis que les panoramas embrassent l’infini, soulignant à la fois la grandeur de l’homme et son insignifiance face à l’histoire.
Gance fait de son film une fresque totalisante où la lumière, l’ombre, le mouvement et le son s’unissent dans une symphonie visuelle inégalée. Napoléon est une épopée, mais aussi une réflexion sur le pouvoir, le destin et l’humanité. En réinventant la grammaire du cinéma, Abel Gance ne se contente pas de raconter une histoire ; il fait du cinéma lui-même un art héroïque, un cri, une vision.
Ce film n’est pas qu’un hommage à un homme ou à une époque, mais une déclaration d’amour au septième art, un appel à repousser les limites, à rêver au-delà de l’écran. En cela, Napoléon n’est pas seulement un chef-d’œuvre : c’est un manifeste.