Un film qu'il est bien pour le shouf shouf
On avait le choix entre Superman et Né Quelque Part au cinéma ; on a bien fait de préférer ce dernier.
Né Quelque Part est un film souvent drôle (les spectateurs dans notre salle explosaient régulièrement de rire) qui traite pourtant, mine de rien, de sujets sérieux. Ce "mine de rien", c'est vraiment ce qui fait la force du film. Les sujets sensibles se coulent très bien dans le tout, et quand ils semblent laissés inachevés c'est en fait pour mieux servir leur sujet.
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Je pense par exemple à Samira : on est attiré par cette jolie femme traditionnelle, on est touché par sa modestie, et on comprend les mobiles qu'il y a derrière l'idée d'un mariage arrangé. Cependant le héros ne songe pas un seul instant à tromper sa copine française, et ça c'est bien. Les scénaristes auraient pu nous donner une histoire d'amour facile entre lui et la villageoise, mais le fait qu'il ne se passe rien est en fait plus profond. Il est attiré par cette vie algérienne, par ces femmes et ces gamins des rues ; mais il est français maintenant. Renouer avec ses racines, oui : mais pas aux dépens de ce qu'il est devenu.
De même, le traitement de l'immigration est vraiment très touchant. Cela rappellera à l'extrême droite que les immigrants ne viennent pas en France pour nous troller, mais parce qu'ils sont en quête d'une vie meilleure, et que c'est au prix de sacrifices colossaux (la scène ou un des personnages refuse de monter dans le canot est vraiment émouvante). Au final, personne n'arrive à émigrer par ce trajet, mais on sent que certains essaieront et ré-essaieront, jusqu'à y arriver. Des choses se passent avant le film, et on imagine que d'autres vont continuer à se passer après.
Il permet aussi de revoir certains préjugés, puisque si Jamel dégage une impression de roublardise, une fois qu'il est parti, on se rend compte que les autres villageois sont, eux, tout à fait fiables et sympathiques.
D'ailleurs, parlons en, du cas Debbouze. Il aurait été trop facile de le faire passer pour un vulgaire escroc, et de le peindre comme un individu méprisable. Mais je trouve justement que le film évite cet écueil et nous fait bien comprendre les raisons de son acte. A plusieurs reprises, le héros manque de tact et on perçoit la jalousie latente de Jamel. Il en veut au karma, et probablement à son père, d'être né en Algérie et non en France. Il se dit qu'il y avait une chance sur deux pour qu'il naisse en France, et il n'a sans doute pas tort. La dernière conversation avec le héros est éloquente. Jamel commence à vanter les femmes qu'ils ont vu en boite de nuit, mais son interlocuteur, considérablement éméché, prétend que des boites comme ça, il y en a des dizaines à Paris et que les femmes y sont bien plus belles. Sous-entendus "restez avec vos laiderons en Algérie". C'en est trop. Le lendemain, il a disparu. On ne peut pas s'empêcher de ressentir une grande pitié pour le personnage, tout sauf manichéen.
La musique colle vraiment bien aux images et nous fait voyager dans des pays chauds. Je note d'ailleurs le hip-hop algérien que l'on entend quand le héros se lève le lendemain de la soirée en boite. Et le fait que le film soit le plus souvent en Arabe sous-titré français contribue à nous dépayser efficacement !
Les images sont magnifiques, les acteurs ont des gueules, ...
En bref, un super film :)