Depuis quelques années, après la période estivale (mes James Bond et mon cycle western), j’ai l’habitude de me pencher sur un polar, mais pas n’importe lequel : mon polar de la rentrée septembre.
En cette année 2020, j’ai donc décidé de visionner « La menace », film français majeur des 70’s, d’Alain Corneau. Mais quelle erreur je fis puisque dans ma collection dvd/blu ray, j’ai eu la main heureuse car je suis tombé sur « New jack city » de Mario Van Peebles, dvd encore jamais vu et pourtant acheté il y a quelques années lors d’un passage de 3-4 jours à Paris à la Fnac Montparnasse. « La menace » est donc remplacé, vite fait et bien fait, par l’emballant « New jack city ».
Et ba-ba-bam… en effet, « New jack city » procure ce petit moment de vérité pour ce polar qui résume à lui-seul le cinéma des 80-90’s. D’autant qu’on peut considérer ce « New jack city » comme un film culte. Je vais vous donner mes raisons.
Tout d’abord, l’histoire ne casse pas trois pattes à un canard et c’est sans sentiments que l’on arrive à plonger dans l’univers de Nino Brown, les rues de Harlem, les voyous, l’argent facile, la vente du crack par des réseaux soupçonneux, … . C’est donc avec facilité et sans fioritures que le duo de scénaristes Barry Michael Cooper -ex-journaliste à qui l’on doit la ‘trilogie Harlem’ : « New jack… », « Sugar hill » et « Above the rim »- et Thomas Lee Wright -écrivain connu pour ses documentaires (« Edith et Eddie », « Trade off »), il a contribué à l’écriture de « 48 heures », « Flashdance »- fabriquent cette substance illicite avec tact, fermeté et douceur. L’innocence des personnages (pas sur la vente du crack, bien entendu) vue par le duo, la facilité du récit et l’avancement de l’intrigue ne fait que confirmer ce sentiment également capté par l’ambiance générale : preuve que ce duo, très bien imprégné de l’univers de cette pègre à travers leur ancien boulot (journaliste) ont réussi à retranscrire cette ambiance un peu trop facilement mais qui nous permette d’arriver en terrain connu. Terrain connu, tout à fait, mais qui s’applique à l’ensemble des policiers/polars du cinéma des 80’s. Bim !
Un subtil travail ainsi nuancé par la musique qui a l’art d’apaiser et de revigorer. Si le milieu du rap (Dr Dre, Ice T, Ice Cube, Queen Latifah…) est bien représenté dans la bande-son, que l’on en prend plein les mirettes et les oreilles et de façon totalement jubilatoire, c’est bien grâce à la justesse musicale du compositeur, le regretté Michel Colombier qui signe ici des partitions qui prouve son attachement à un style de musique capté par les habitants d’une cité, ici Harlem en plein centre de New York. S’il a travaillé avec les plus grands de la chanson (Aznavour, Barbara, Madonna, Gainsbourg), Colombier a reçu le César de la meilleure musique pour « Elisa » (merci encore Serge) et a également composé pour certains réalisateurs : Claude Sautet, Melville, Friedkin, Demy, Frank Darabont… Ou quand Michel avec « New jack city » donne l’envergure d’un récital de musique toutes plus fracassantes et revigorantes les unes que les autres. Bravo Monsieur le compositeur.
L’autre raison principale qui fait que je considère ce film comme culte, c’est son casting très bien dirigé par Mario Van Peebles, fils de Melvin, et qui donne le ton.
Dans la peau de Nino Brown, on a affaire à un excellent Wesley Snipes. Le gamin du Bronx réalise une très jolie performance dans ce rôle du baron de la drogue en plein New York : le big boss de Harlem et du crack. Ou quand la future-star de la saga « Blade » et pas encore cette figure du cinéma d’action (« Demolition man », « Meurtre à la maison blanche », « L’art de la guerre » …) se la joue et prend l’option d’un jeu sans retenue. Et avec cette présence théâtrale et charismatique, il s’impose et nous communique son plaisir de jouer, et ce, au fil de sa carrière qui va s’estomper à l’aube des années 2000. Ici, Le crack Wesley Snipes casse la baraque et c’est ce genre d’interprétation, qui n’est pas à ranger au placard, qui a capté et retenu mon attention. Pas étonnant que Stallone ait fait appel à lui pour jouer aux côtés des autres stars bodybuildés pour les besoins de « Expendables 3 ». Snipes détonne et joue les prémices du cador noir de l’action. Boum !
A ses côtés, je retiendrai les présences de :
- Allen Payne, l’ami d’enfance de Nino. Vu dans « Un vampire à Brooklyn » ou « En pleine tempête », il apporte un peu de jeunesse face à Wesley Snipes.
- Chris Rock, le jeune premier faisant partie de la bande à Nino et qui finalement va le lâcher. Si « L’arme fatale 4 » lui apporte la gloire, l’humoriste, alors à ses débuts, amène l’humour classe de « New jack city ».
- Ice T, le détective qui veut venger la mort de Chris Rock. Chanteur de rap depuis le début des années 1980, il n’oublie ni le cinéma (« Johnny mnemonic », « Christmas » d’Abel Ferrara, …), ni la télévision (« New York, unité spéciale »). Ici policier sans peur ni reproche, Ice T., dans un rôle de dur-à-cuire, est cette gueule cassée qui tente de rafler la stature à Wesley Snipes. Leur face-à-face final, même s’il n’est pas un pedigree à l’épreuve du temps et digne de rester dans les annales du septième art, possède ce charme particulier qui fait du film le duel d’acteurs à retenir. Bravo mister T.
Avec également le réalisateur Mario Van Peebles dans un mini-rôle et le regretté Bill Nunn (il aura joué dans « A propos d’Henry », « Sister act », la trilogie « Spiderman » de Sam Raimi, mais surtout pour Spike Lee).
Le casting, avec en tête le roi Snipes, est ainsi, si ce n’est la raison principale, l’atout majeur pour regarder « New jack city ». Cool !
La troisième raison de classer ce film comme un film culte est la suivante : la mise en scène.
Routinière, Mario Van Peebles s’en accommode et même s’il utilise les ressorts habituels du film d’action (rythme effréné, montage saccadé, réalisation menée tambour battant…), Mario fait en sorte de garder un tant soit peu de hauteur face à son entrée en la matière sur le sujet. Et même s’il filme le crack Snipes tel un ‘sous- « Scarface »’, peu importe, car ici sa main-mise sur la structure du film se fait ressentir. Ou quand l’artiste scénariste/producteur/réalisateur façonne un drame en un film d’action bourré d’humour, …et de cracks (!).
Le réalisateur de « Panther » filmant ainsi non pas un policier comme les autres mais bien un polar à l’ancienne qui bénéficie du charme visuel et musical du film d’action des 80’s. Ce n’est pas que le débutant en tant qu’acteur dans « Sweet sweetback’s baadasssss song » fasse un film pour un film, mais Mario le réalisateur prend le soin d’embaumer « New jack city » en une expérience cinéphilique que seuls les artisans arrivent à fabriquer. Alors il ne s’agit pas non plus d’un « Parrain » ou de « L’année du dragon », mais « New jack city » possède une âme particulière, celle de porter les souvenirs et les cicatrices des films noirs des 70’s aujourd’hui appelés couramment ‘Blaxploitation’, courant qui a pris de l’ampleur grâce à Melvin Van Peebles (le père de Mario, donc !), son fer de lance, avec le film cité précédemment : « Sweet… ».
Le courant de la ‘Blaxploitation’ a eu ses vedettes : Van Peebles Senior, Gordon Parks, Larry Cohen, Pam Grier (qui en a été son égérie), Fred Williamson, Richard Roundtree.
Van Peebles Junior (Coppola, Eastwood et Michael Mann ont dirigé le jeune Mario) confère donc l’identité que son père a créée sur ce petit film d’envergure qui reprend les poncifs d’époque : ce n’est pas pour rien si l’aura de Wesley Snipes ressemble étrangement à la fraîcheur et à la noirceur d’interprétation de Richard Roundtree dans « Shaft, les nuits rouges de Harlem ».
Pour conclure, « New Jack City » (1991), film culte indéboulonnable des 90’s, possède le charme et la culture de la ‘Blaxploitation’ grâce au fils Van Peebles (Mario) qui signe ici son premier long-métrage qui deviendra son film le plus connu.
Spectateurs noirs, pour un soir, voulez-vous devenir ‘un nègre bourré de crack’ (cf John Malkovich dans « Les ailes de l’enfer ») ou le boss de Harlem ?
PS : je souhaite à tous mes suiveurs une bonne rentrée cinéma.
Pour ma part, je vais pouvoir terminer mon cycle Spielberg, avec « Lincoln » et « Ready player one », entamé depuis mi-février… !